Pourquoi RTBF89 ?
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Je veux ce joooooob ! Lettre ouverte à Céline Frémault et réponses
L E T T R E O U V E R T E R E C O M M A N D É E
adressée à Céline Frémault,
Ministre de l’Economie et de l’Emploi de la Région Bruxelles Capitale, Belgique
Copie envoyée aux autres membres du gouvernement et aux députés du Parlement
Concerne:
« Je veux ce joooooob ! », projet d’émission de divertissement de la RTBF en collaboration avec Actiris
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courrier de la Ministre Céline Frémault et leur réponse, publiés ci-dessous
Madame la Ministre,
Pour ce projet, la RTBF s’est associée à EBUCO (2), société de production privée, ainsi qu’à Actiris, l’Office Régional Bruxellois de l’Emploi.
Passons rapidement sur les critiques, nombreuses et outrées, auxquelles le principe de l’émission a donné lieu puisqu’elles ne relèvent pas de votre compétence.
Nous nous intéressons en priorité au rôle joué par Actiris dans l’appel à candidature.
Dans un premier temps, nous avons pris connaissance d’un mail intitulé «Casting : Je veux ce joooooob!», envoyé à « un certain nombre » de demandeurs d’emploi bruxellois.
Premier étonnement et motif de mécontentement, donc, puisque ce mail ne constitue ni une offre d’emploi, ni une proposition de formation ou de stage.
L’utilisation de données personnelles, par Actiris, pour promouvoir une émission de télévision (de « Divertissement ») paraît clairement sortir du cadre des missions de cet organisme public, et enfreindre la loi sur la protection de la vie privée.
Un article paru dans la Dernière Heure nous apprenait également comment il avait été procédé à ce « casting » :
« Actiris a donc joué les casteurs en mettant gracieusement ses fichiers à disposition de la boîte de production Ebuco. C’était l’une des options pour trouver des candidats pouvant être intéressés par l’expérience. Tous les demandeurs d’emploi n’ont pas été sollicités. Nos services internes ont établi une sélection sur la base de différents critères« , explique Vincent Dewez, directeur de la communication chez Actiris.
Sur la base de cet article, nous tirons les conclusions suivantes :
1) Un organisme de service public a confié des données personnelles à une société privée.
2) Ces données ont été sélectionnées sur la base de critères non précisés, non objectivables, non vérifiables, connus uniquement d’Actiris et, on peut raisonnablement le supposer, des deux autres concepteurs de l’émission «Je veux ce joooooob!»: la RTBF et EBUCO S.A.
Ces deux points sont en opposition totale avec les rôles, missions et valeurs du service public!
A ce titre, plusieurs demandeurs d’emploi, «heureux élus de la pré-sélection au casting» ont fait la démarche de porter plainte, qui à Actiris, qui à la Commission de la Protection de la vie privée, qui aux deux. On devine qu’ils sont nombreux, ceux qui n’ont pas osé faire cette démarche par crainte de s’attirer d’éventuelles représailles…
Nous relayons ici l’indignation suscitée par l’émission, on l’a dit, mais aussi par la façon dont Actiris, associé à la RTBF et à la société EBUCO SA, aurait géré ce dossier.
Nous insistons pour que toute la lumière soit faite sur les questions laissées en suspens dans ce dossier, dont la principale : tout cela est-il légal ?
Notre propos n’est pas de «réclamer des têtes», ni celles de lampistes, ni même celles de tel ou tel responsable… Ce que nous réclamons face à de telles dérives, c’est que le citoyen puisse bénéficier de services publics «au service du public»!
Nous sommes nombreux à vivre, impuissants, tous ces petits renoncements quotidiens, tous ces estompements de la norme qui repoussent chaque jour un peu plus loin les limites de ce qui est admissible, acceptable, possible… jusqu’à devenir normal, habituel, banal.
Jusqu’au jour où, en guise de service public, on se retrouve avec une coquille vide toute dévouée au service de sociétés privées, soumises aux seules règles de l’audimat, des annonceurs publicitaires ou des dernières tendances, prêtes à se vendre au plus offrant, lui laissant les clés de la maison et le mot de passe de la base de données.
Comment en est-on arrivés là ? Telle est notre principale interrogation. Faire en sorte que les pouvoirs publics se ressaisissent, voilà ce que nous attendons de ceux qui nous représentent…
Cette question nous paraît bien plus fondamentale, en termes de Démocratie, qu’une émission de divertissement conçue par une société privée avec de « vrais chômeurs » à qui on promet de vivre « une expérience hors du commun où ils auront la chance d’être entouré de coaches, prêts à tout pour bouleverser leur destin! »
De la même façon, il nous paraît bien plus fondamental, en termes de lutte contre le chômage, de se pencher sur les causes, plutôt que de transformer ses effets en spectacle télévisuel.
Avec, en Belgique, 450.000 demandeurs d’emplois complets indemnisés pour à peine vingt à trente mille offres d’emploi, il y a mieux à faire que de rappeler aux chômeurs qu’ «envoyer un CV est souvent loin d’être suffisant pour se faire engager» : ils sont au courant!
Etonnant que la RTBF et EBUCO SA, et surtout Actiris, aient l’air de le découvrir et de considérer que l’origine du problème soit dans le chef de ces centaines de milliers de personnes qui ne sauraient pas s’y prendre pour trouver « le job de leurs rêves »!.
Consternant d’imaginer qu’on puisse vouloir faire passer comme message qu’avec l’intervention miracle d’un coach au sourire bifluoré, toutes ces peccadilles vont bien vite s’arranger…
C’est infamant et méprisant pour ces travailleurs sans emploi en situation précaire!
Nous espérons qu’il sera répondu aux questions relatives à la légalité de la démarche d’Actiris et, tout en étant conscients que les enjeux de l’organisation du travail dans notre société sont énormes et dépendent de nombreux facteurs, qu’il soit au moins épargné à ceux qui en sont les victimes de devenir les sujets d’un spectacle de divertissement malsain.
Veuillez recevoir, Madame la Ministre, l’expression de nos sentiments les plus cordiaux,
Pour RTBF89 : Catherine Godart, Isabelle Marchal, Eric Pecher, Philippe Walraff
Les personnes/associations suivantes ont souhaité se joindre à notre initiative. La liste des co-signataires reste ouverte tant que les questions posées dans cette lettre n’auront pas obtenu de réponse convaincante. Le blog sera mis à jour avec les noms de toutes celles et ceux qui nous en font la demande en envoyant un mail à blogrtbf89@gmail.com
Co-signataires :
Patrick Louis, Florence de Crawhez, Patrick Dezille, Michèle Gilkinet, Nadine Van Walleghem, Thierry Baudaux, Claude Lemmens, Karen Prevot, Marie Camoin,
Léon Detroux, Pascale Jehin, Patricia Muller, Guéric Bosmans, Stéphane Ledune, Citoyen(ne)s.
Eric Lauwers, Directeur de SMartBe
L’Action des Travailleurs sans Emploi de la CSC Bruxelles
Les sections locales de la CSC d’Uccle-Forest-Saint-Gilles, Bruxelles-Saint-Josse, de Laeken-Neder Over Heembeek et de Schaerbeek-Evere–Haeren.
Riposte-CTE
MPOC (Mouvement politique des objecteurs de croissance)
PS : Parallèlement à ce courrier, nous interpellons également la Ministre Fadila Laanan, tant sur sur l’indécence du projet que sur le rôle qu’aurait joué la RTBF dans la décision d’envoyer le mail « Casting » à des demandeurs d’emploi inscrits dans la base de données d’Actiris.
Par ailleurs, nous ne manquerons pas de relayer sur les réseaux sociaux toutes suites données à cette affaire…
Réponse de Céline Frémault à notre lettre ouverte
Notre réponse du 15/07/2013 à ce courrier
Madame,
Nous vous remercions de votre courrier du 12 juillet 2013 qui répond partiellement aux points soulevés dans notre lettre ouverte.
Le plus sensible de ces points paraît fort heureusement écarté puisque Actiris affirme n’avoir procédé à aucun transfert de données à un tiers, ce que nous a d’ailleurs confirmé de vive voix la journaliste qui signe l’article sur lequel se fondait notre inquiétude.
La phrase « Actiris a donc joué les casteurs en mettant gracieusement ses fichiers à disposition de la boîte de production Ebuco » pouvait prêter à confusion : ce point est donc éclairci.
Vous nous assurez, par ailleurs, qu’il n’y a pas eu de casting préalable, direct ou indirect, du producteur de l’émission (Ebuco). C’est donc bien Actiris qui avait procédé à ce casting, comme nous l’avions compris(*), mais notre question portait sur les critères de sélection de ce casting « non précisés, non objectivables, non vérifiables. »
Quels critères ? La question reste posée.
Nous prenons acte de la décision d’Actiris de se retirer d’un projet auquel, d’après les termes de votre lettre, il n’était associé « que par une convention de collaboration qui prévoyait un certain nombre de garanties »…
Soit ces garanties n’ont pas été respectées, soit le tollé provoqué par l’émission aura dissuadé Actiris de se voir associé à un projet dont le caractère indécent lui avait échappé jusque là, sans doute à cause de « tous ces petits renoncements quotidiens, tous ces estompements de la norme qui repoussent chaque jour un peu plus loin les limites de ce qui est admissible, acceptable, possible… jusqu’à devenir normal, habituel, banal. »
Si tel est le motif du retrait d’Actiris, il y aura tout lieu de se féliciter de la réaction de nombreux citoyens – à commencer par des chômeurs – dès l’annonce de cette « (mauvaise) émission de téléréalité », pour paraphraser le titre d’un article paru dans la presse française.
Nous restons à l’écoute très attentive de ce dossier : il est fort probable que la RTBF s’obstinera dans son projet, qu’elle nous présentera dans un nouvel emballage, convaincue qu’il s’agit d’un simple « problème de communication » et que « les internautes ont mal saisi les valeurs que le service public a voulu mettre en avant : des valeurs de « respect de la personne ».
Même si Actiris s’est retiré de cette émission qui, à en croire le porte-parole de la RTBF, ressemble à une magnifique aventure humaine, ce sera l’occasion de rappeler, le cas échéant, que nous ne savons toujours rien des fameux critères de sélection qui ont servi au casting. A moins bien sûr que d’ici là, nous n’ayons reçu un complément d’information.
Veuillez recevoir, Madame la Ministre, l’expression de nos sentiments les plus cordiaux.
RTBF89
Catherine Godart, Isabelle Marchal, Eric Pecher, Philippe Walraff
PS : Certains chômeurs avaient déjà posé toutes les questions reprises dans notre lettre ouverte dès le 4 juillet, en envoyant un mail au service Plaintes d’Actiris. A ce jour, personne n’a encore reçu de réponse, pas même un accusé de réception…
(*) Tous les demandeurs d’emploi n’ont pas été sollicités. Nos services internes ont établi une sélection sur la base de différents critères », explique Vincent Dewez, directeur de la communication chez Actiris.
Article lié : Je veux ce joooooob… Combat de pauvres !
LaTribune.fr : Une (mauvaise) émission de téléréalité belge sur les chômeurs fait scandaleLa Libre.Blog : Médias,argent et démocratie : « Je veux ce joooooob! »
Le Figaro : Polémique autour d’une émission belge
La Libre Belgique : Je veux ce joooooob ! Tout cela est-il légal, Madame la Ministre ?
Le Soir : « Je veux ce joooooob » : tout cela est-il légal ?
Le chat du Soir (vendredi 12 juillet)
(1) Pour les détails de l’affaire, se reporter à l’article paru sur le site français d’ « Arrêt sur Images »
(2) EBUCO N° d’entreprise 0863.301.087
La lettre ouverte a été reprise sur le site de La Libre Belgique, dans sa rubrique Débats-Opinions, ainsi que sur le site du Soir, sous forme de Carte blanche.
Toujours sur le site du Soir, elle fera l’objet du chat de demain, entre 12 et 13 heures.
Article: rtbf89.blogspot.be