Paul Hermant, la der des ders …
Quelle beau jour pour finir, vous ne trouvez pas ? On ne pouvait pas rêver mieux : beau temps, mais orageux en fin de journée. C’est donc la dernière, la der des ders, la grande der. Après dix ans de chroniques quotidiennes, dont la plupart sur ces antennes, nous allons donc refermer le grand livre de nos fréquentations.
Mais plutôt que de dire au revoir, voyez comme je suis, j’ai décidé de dire merci. La reddition des comptes est alors plus ronde. Merci est un mot qui déteste les angles. Il n’y a rien à faire, quand on est né rond on ne peut pas finir pointu, alors terminons comme cela…
Merci à Richard Brautigan, merci à Stig Dagerman, merci à Ed Murrow, chroniqueur anti McCarthy, merci à son Good night and good luck, merci au terrible entêtement des abeilles, merci aux trous d’air des parachutes dorés, merci aux hirondelles de la gare du Nord, merci à l’épicière de Ciergnon, merci à Morvan Lebesque pour avoir dit que le talent que vous avez ou que l’on vous prête se mesure à celui qui vous reste le jour où vous n’en avez plus, merci à l’Euro d’avoir tenu jusqu’à la fin de ces chroniques, merci aux gens du voyage qui font le voyage que les gens ne font plus, merci à tous ces nomades qui enseignent à délester nos valises, merci au passé qui arrive toujours trop vite et à l’avenir qui vient toujours trop tard, merci à Stéphane Goldman, une chanson de 1950, une chronique déjà, cent mineurs crient sous les poids d’un continent, là-haut passe un régiment, il y aura dix survivants, merci à Madame de Sévigné, pardon d’avoir écrit si long, ma fille, mais je n’ai pas eu le temps de faire court, merci aux invisibles de ne l’être pas resté, merci aux gens liquides d’être demeuré un peu dans la paume, merci à René Char et à son héritage sans testament, merci aux disqualifiés, aux inadaptés sociaux, merci aux bandits du sens, merci aux potagers, merci à Gilles Clément, à son tiers-paysage et à ses jardins en mouvement, merci à ceux qui se souviennent qu’un binage vaut bien deux arrosages, merci aux glaneurs, merci aux gladiateurs, merci à mon ordinateur, merci au front du refuge, merci à Hanna Arendt, merci au comptoir d’étain de Jacques Prévert et au veilleur du Pont aux Changes de Robert Desnos, merci aux idées, à leurs associations et aux associations d’idées, merci aux villages fantômes parce qu’ils sont peuplés de gens aux fronts troués, merci aux geysers pétillants et aux volcans facétieux d’Islande, merci au complexe Edgar Morin, merci à la voix de Vincent Tholomé entendue hier, merci aux livres qui rendent libres, à ceux qui les écrivent, à ceux qui les vendent et à ceux qui les achètent, merci aux contradictions dialectiques des gens qui décident, elles font le miel de ceux qui cherchent par-delà le cynisme, pas merci à ceux qui priment sur ceux qui dépriment, mais merci à la ville où il fait le moins bon vivre, merci au service public qui nous a élevé et à qui on a tenté de rendre un peu, merci à ceux qui écoutent pour ne plus entendre, merci aux voleurs de feux et aux allumeurs de réverbères, merci à ceux qui retournent leur colère et merci à ceux qui voient la mer. Allez, belles années et puis aussi bonne chance.
Paul Hermant
Le podcast de la chronique
Et bien nous aussi, Paul, on a des remerciements à faire, à te faire :
Merci d’avoir toujours veillé à ne pas nous prendre pour des imbéciles
Merci de nous avoir enchantés
Merci de nous avoir éclairés
Merci pour ta manière de faire simple mais jamais simpliste
Merci pour ton ton
Merci d’être un des rares sur notre service public à faire du service public
Merci d’avoir laminé une flopée d’imbéciles
Merci d’avoir lu pour nous entre les lignes
Merci pour ton talent
Merci pour ton écriture
Merci pour ta voix
Merci pour la pertinence
Merci pour l’intelligence
Merci pour la liberté
Merci pour les sourires
Merci pour la solidarité
Merci pour le soutien, Camarade
Et Merci pour cette dernière chronique, en beauté, texte magnifique. Quand on est né rond on ne peut pas finir pointu.
Belles années à Toi, Paul, et puis aussi bonne chance !
Pour la CRTSE Luxembourg, Damien et Vincent
Envolé, parti en fumée comme une cigarette que l’on a laissé dans le cendrier, dégagé, enlevé de tous gages, allez les chiens! et allée bucolique. Et oui il part, il nous laisse là, las, lalala
seuls comme des orphelins, oui c’est ça orphelins de la voix, sans famille, Rémy sans emploi, tu connais? Qui, qui va sans l’air de le faire, qui pourra, qui osera montrer les paradoxes (du grec
paradoxos, « παράδοξος » : « contraire à l’opinion commune », de para : « contre », et doxa : « opinion »). et merde et que vais-je lire maintenant? reprenons les mots et lançons les tels des idées
ou mieux encore, comme des armes. Des armes au secret des jours, Sous l’herbe, dans le ciel, et puis dans l’écriture, Des qui vous font rêver très tard dans les lectures, Et qui mettent la poésie
dans les discours. Des armes, des armes, des armes, Et des poètes de service à la gâchette Pour mettre le feu aux dernières cigarettes Au bout d’un vers français brillant comme une larme.(merci
Léo) merci Paul