Chômage: «Il faut oser penser autrement»
Pour les chômeurs de longue durée, l’allocation de chômage se transforme petit à petit en « piège à l’emploi » : ils deviennent inemployables pose le Pr Jules Gazon. Sa solution ? Un contrat de travail garanti pour tous. En dopant l ‘emploi de proximité.
Un chômeur sur deux l’est sur une longue durée, dans l’Europe des Vingt-Sept. Et « l’inactivité de longue durée affecte l’équilibre psychologique des chômeurs, les renferme dans un ghetto où se perdent les compétences et la motivation professionnelle : ils deviennent inemployables », pose le Pr Jules Gazon.
Dans un contexte mondialisé, où la « concurrence internationale s’exacerbe » entre anciens pays industrialisés et nouveaux pays industriels, l’assurance-chômage se transforme ainsi de plus en plus en « piège à l’emploi ».
Pour en sortir, « il faut oser penser autrement : ne plus faire du chômage la variable d’ajustement de l’activité économique », explique l’ancien professeur d’économie de l’université de Liège. Qui propose une solution radicalement différente : garantir un contrat d’emploi aux chômeurs en lieu et place des allocations de chômage.
Pareille initiative doit venir des pouvoirs publics (cf. ci-dessous). Ce qui ne veut pas dire créer des emplois publics, nuance l’économiste. Le propos est « d’inverser le raisonnement en se posant la question de savoir quel serait le coût supplémentaire de la remise au travail par rapport au coût des diverses allocations octroyées aux inactifs».
En Belgique, par rapport au coût salarial moyen (2006), ce coût serait de 13 %, comparés aux 14 % pour la France et 20 % pour les 22 pays-membres à la fois de l’Union Européenne et de l’Organisation pour la Coopération et le Développement économiques (OCDE).
Services de proximité
Mais comment remettre au travail des chômeurs de longue durée, généralement peu qualifiés ?
« Il faut susciter une demande de biens et services intensifs en travail peu qualifié et non soumise à la concurrence internationale », explique Jules Gazon. « Les services de proximité et à la personne tels l’aide ménagère et l’organisation de l’habitat, la garde d’enfants, l’aide aux personnes dépendantes (handicapés, malades, personnes âgées), le transport des personnes, l’assistance scolaire, et même les services informatiques et de secrétariat à domicile peuvent rencontrer des besoins non satisfaits, pourvu qu’ils ne concurrencent pas des activités marchandes existantes ».
« Il n’y aura pas de coûts supplémentaires pour l’État »
La solution rappelle le mécanisme des « titres-services » (cf. ci-contre).
L’économiste en revendique sa part de paternité. Mais « malgré des similitudes, il reste éloigné de mon dispositif radical », précise-t-il. Ici, « le dispositif postule que tous les chômeurs en bonne santé physique et psychique soient dotés d’un contrat d’emploi, fût-ce dans un premier temps un contrat d’emploi-formation, qui remplace les allocations de chômage ».
La demande de services de proximité serait assurée par une ristourne du coût salarial aux salariés (mutatis mutandispour les indépendants et les pensionnés) destinée à l’achat des services de proximité.
Ainsi, assure l’économiste, « il n’y aura pas de coûts supplémentaires pour l’État ; ni de poussée inflationniste, grâce à la remise à niveau des chômeurs, qui augmente l’offre de travail. Il en résultera aussi une plus grande flexibilité du marché du travail, car la garantie offerte par l’État du maintien d’un contrat d’emploi aux personnes en transition d’emploi facilitera la mobilité des travailleurs ».
Philippe LERUTH
Source: lavenir