Grève au FOREM
les nouveaux contrôleurs sociaux se rebiffent
La colère gronde chez les contractuels du FOREM – majoritaires à 89%; il n’y a que 11% de statutaires au Forem contre 63% au Service Public de Wallonie (cfr. le communiqués de presse du front commun syndical en bas de page) qui voient leurs conditions de travail se dégrader alors que la réforme en cours du Forem, qui prépare à la régionalisation, va dramatiquement modifier la teneur de leur travail : plus bureaucratique et moins social, plus répressif et moins qualitatif, le tout avec une absence cruelle de moyens humains et technologiques ad hoc et dans une atmosphère délétère de contrôles tatillons des travailleurs : « Tendance au raidissement dans l’approche collective de la réglementation, mais volonté de trouver des solutions pour des dossiers individuels … Multiplications des contrôles et sanctions individuelles, même pour des faits futiles ».
Une main-d’œuvre précaire et mal-traitée est réputée plus servile et le politique aime qu’on ne conteste pas ses orientations, fussent-elles socialement nuisibles pour leur public cible, les travailleurs privés de salaire, voire en complète contradiction avec la déontologie des travailleurs des services publics comme avec la charte de qualité qui doit gouverner les services publics (et en gros prévoit de satisfaire le client – citoyen et non de l’expulser manu militari de l’accès à des services de qualité en lui montrant la porte de sortie de ses droits sociaux…).
Les travailleurs du FOREM étant précarisés à outrance, ils savent qu’ils doivent obtempérer à toutes les lubies politiciennes qui leur tombent dessus, comme la réforme de l’accompagnement des chômeurs, abusivement présentée comme un parcours d’insertion individualisé, c’est bien d’un plan d’accompagnement vers la sortie des caisses de la Sécu comme de l’Assistance plutôt que vers l’emploi qu’il s’agit. La réforme du FOREM diminue la part qualitative du travail des agents : le temps passé en entretien avec le travailleur sans emploi afin de l’orienter au mieux voire l’aider à résoudre la kyrielle de problèmes sociaux créés par le fait d’être pauvre dans une société qui discrimine les pauvres (sic).
Et ce d’autant mieux que le FOREM a créé des catégories de chômeurs pour mieux « encadrer » les plus fragiles et précipiter leur fin de droit. Le sulfureux statut MMPP a déjà fait réagir une psychiatre qui a immédiatement compris que l’idée d’aider les chômeurs sous la contrainte et la menace, voire de les forcer à aller chez le psy et le psychiatre sous peine d’exclusion était une idée nauséabonde qui rappelait des périodes noires de l’histoire. (Article magnifique à lire absolument !)
Les raisons de la colère syndicale :
« Si on ne garantit plus le nombre d’équivalents temps plein (nombre d’ETPL repris dans la lettre de mission de l’Administrateur général qui garantit 3.657 ETPL au Forem), que l’on supprime l’indexation de la dotation, que les départs à la retraite ne sont plus que partiellement remplacés, une diminution du volume de l’emploi est inévitable et des licenciements sont à craindre. Ceci est inacceptable pour les organisations syndicales car cela va impacter effectivement le service rendu.
Par ailleurs, il est prévu de diminuer le budget des Organismes d’Intérêt Public de 10% (effort budgétaire pour rééquilibrer la dette de la Belgique) ; même si le Cabinet du Ministre André Antoine prétend que ça ne concernera pas le Forem, nous nous permettons d’en douter …
De plus, un transfert de compétences fédérales de l’emploi vers les régions est prévu dans les négociations actuelles mais les budgets ne suivront pas nécessairement dans leur totalité, on parle de 80%.»
Les travailleurs du FOREM n’ont jamais signé pour devenir des contrôleurs sociaux, obligés de poser les questions qui sont dans le programme informatique seulement, de minuter leurs entretiens et de chercher la faute dans le chef du chercheur d’emploi, de dénoncer celui-ci à l’ONEM, voire d’envoyer des offres d’emploi obligatoires par courrier (souvent qui ne correspondent pas au CV du travailleur sans emploi) afin de mieux les exclure par voie bureaucratique automatisée…
Les travailleurs du FOREM ne veulent pas usurper le rôle de l’ONEM (le silence de l’ONEM est troublant car que vont-ils devenir si le FOREM reprend leurs missions chéries de contrôles et de sanctions ?), mais c’est pourtant le noir dessein que leur promet les politiciens avec leur réforme régionaliste entérinant ainsi tout desiderata flamingant, et repris sous un label qui pue la bienveillance (si on oublie le sourire carnassier toutes canines dehors), « d’accompagnement », soit par le tri du bon grain de l’ivraie (sic) et le transfert vers d’autres caisses d’allocations de la Sécu, soit vers l’exclusion pure et simple de tout revenu, car seul 10 à 30% des cas – selon les études financées par les pouvoirs publics (donc orientées) – échouent au CPAS, les autres sont dans la nature et personne ne sait ce qu’ils deviennent (ni ne cherche à le savoir, ne pas mesurer la création de pauvreté, c’est mieux pour les politiciens, car ce qu’on ne mesure pas statistiquement, n’existe pas et ne peut leur être reproché, CQFD).
Les chômeurs ne sont pas des chiens !
Bien évidemment les travailleurs en recherche d’emploi aspirent à bénéficier de services publics de qualité, qui ne les menacent pas mais qui les soutiennent dans ces temps si difficiles. Ils aspirent aussi à être traité avec bienveillance et à ne pas être catalogué fraudeur comme si toute une catégorie sociale en grande précarité et pauvre pouvait être ainsi étiquetée d’office.
Les contrôleurs sociaux savent bien, eux, que ce sont les gens qui ont déjà du travail et un réseau de clients qui peuvent le plus facilement dissimuler du noir, les sans emploi par essence sont isolés et exclus du circuit donc en difficulté de trouver même du travail en noir. A part femme d’ouvrage et homme à tout faire, l’Horeca, le transport, le gardiennage et la construction, les métiers en noirs ne sont pas légions, et ils sont occupés par des esclaves importés par les guerres et la misère internationale : les sans papiers.
Personne n’a traité d’ordure l’Horeca flamand quand il a dit qu’il avait besoin du noir pour survivre. Dingue, le chômeur lui, s’il se fait choper, on lui coupe les vivre, on ne chipote pas. Ce qui le conduit illico à la case travail au noir, mais cette fois, il aura un rabais, car en tant qu’exclu, il n’a plus droit à rien et n’aura plus qu’à se taper le même salaire que celui du sans papier… L’échelle des salaires inversée !
Personne ne leur passe quoi que ce soit aux sans emploi, à croire qu’ils sont devenus l’ennemi public numéro un!
Alors que pour les sans emploi, c’est le chômage, l’ennemi et non l’allocation de chômage, qu’ils perçoivent pour survivre, péniblement, durant la recherche du contrat de travail, ce Saint-Graal ! Au grand dam des syndicalistes militants, les chômeurs sont prêts à travailler pour le même tarif qu’au chômage, il suffit de traîner dans les couloirs du dispositif de contrôle de la disponibilité des chômeurs pour entendre les chômeurs dire, «donnez-moi un travail à 1000 euros, plutôt que de me laisser au chômage à rien faire».
Brader ainsi leur force de travail c’est exactement le but de la manœuvre : dégoûter les gens, les mépriser, les discriminer, les appauvrir, les faire souffrir psychologiquement, socialement, pour amoindrir toutes leurs défenses et anéantir toutes velléités de négocier un juste prix pour leur survie quotidienne.
On veut des emplois, une vie décente, et un job qui nous plaît
Alors oui, les travailleurs sans emploi salarié veulent que la chasse aux chômeurs et le plan d’accompagnement soient remplacés par un plan pour la création massive d’emploi non précaires (cfr. communiqué en bas de page). Quel gaspillage d’argent public de payer des contrôleurs sociaux au lieu de créer les empois qui manquent. Et surtout de payer des services publics qu’on rend incompétents, à l’image de leurs dirigeants, les politiques…..
Vu la richesse globale produite en Belgique, ce n’est pas une utopie de créer des emplois. C’est une question de choix ! Mais cela implique à l’évidence une meilleure redistribution des richesses vers les salariés, et donc un enrichissement moindre du patronat. Moins de profit et plus de redistribution pour un bien-être plus équitablement partagé…
Je rêve, oui je les entends d’ici les cyniques et les désabusés, les entrepreneurs « parce qu’ils le valent bien » ?! Le travailleur n’est plus estimé, respecté, récompensé. Nous le savons tous, ceux qui ont vécu le monde du travail quelques années (après l’idéalisme, vient la dépression). Le talent n’est jamais récompensé, pas plus que la compétence, la créativité ou la loyauté et le dévouement, non, ce qui est récompensé c’est la cupidité, le back-stabing, la manipulation, le harcèlement moral, l’escroquerie, le vol…
Une richesse produite qui ne cesse de croître avec en corolaire (ou dommage collatéral) un niveau de chômage structurel très élevé aussi, est-ce vraiment acceptable voire responsable désormais?
Et d’emploi, de création d’emplois, au minimum 200 000 en Wallonie et 700 000 pour le pays , dans cette politique d’exclusion massive, il n’est point question. Pourtant on ne demande jamais de compte au patronat, à quoi servent donc ces 7 milliards de réductions de cotisations ONSS patronales annuels?
Intellectuellement, comment peut-on trouver logique de ne pas s’attaquer à la racine du mal : l’absence d’un emploi (de qualité, convenable, durable) pour chacun pour préférer se focaliser uniquement et sans complexe sur les premières victimes de cette cruelle absence d’emploi: les travailleurs sans emploi!
Et en plus, la médiocratie politicienne a des idées saugrenues comme d’obliger les chômeurs à travailler gratuitement ?! C’est une des idées soutenues dans la réforme du plan d’accompagnement des chômeurs. Le travail est déjà une punition pour les condamnés à une peine alternative à la prison, ce qui en dit long sur la valeur du travail dans notre société.
Si certain ose encore croire que travail et épanouissement peuvent aller de pair, il ferait bien de regarder autour d’eux. La médicalisation à outrance des travailleurs en dit long sur le mal-être profond dans le monde du travail. Mais c’est logique au fond, au fur et à mesure que le patronat grossit les rangs des sans emploi, il inflige une pression insupportable aux travailleurs dont la pénibilité du travail s’accroit proportionnellement à leur peur de rejoindre la cohorte des sans …
Travailler gratuitement, quelle idiotie! Et après ça, qui paiera jamais les sans emploi une fois que le gratuit sera devenu une habitude? C’est condamner ces sans emploi à être ad vitam bénéficiaires d’allocations que de vouloir les faire bosser à l’œil, non? N’est-ce pas le contraire de ce qu’on veut : créer plus d’emplois rémunérés pour que plus de travailleurs contribuent tant à la Sécu qu’aux impôts (si inégalitaires par ailleurs) ? Si on peut leur trouver du travail obligatoire, on peut le leur payer décemment aussi !
Ou alors, le politique nous ment. Ca ne serait pas la première fois… Nos leaders francophones (sic) nous avait dit, en 2004: il faut faire la chasse aux chômeurs pour calmer l’ire flamande et empêcher que les Flamands réclament la fin de la durée de chômage illimitée voire carrément la scission de la Sécu (c’est pour not’bien quoi !).
Résultat, que demandent les Flamands ? La fin de la durée de chômage illimitée et la scission de la Sécu. Bien vu, les stratèges francophones, finement jouée celle-là, ça les a vachement calmé en effet!
Maintenant, la régionalisation n’est même pas un débat, c’est un acquis pour les Flamands séparatistes ou confédéralistes, restent à savoir à quel point ils nous étrangleront financièrement, comme ils l’ont fait avec le budget de la Région de Bruxelles …
Le permis budgétaire à point des Régions, une trouvaille, quelle créativité : des bons points budgétaires régionaux plus on exclut des méchants chômeurs-profiteurs, rien que ça !
Mais sont-ce là les vrais enjeux ? Ne fait-on pas exprès de ne pas créer des emplois parce qu’au fond, ce que veut le patronat ce n’est pas de sauver le pays de la faillite en créant massivement les emplois qui manquent (ça serait vachement civique non de la part d’inciviques patentés ?!), non, ce qu’il veut le patronat, c’est s’enrichir encore plus vite, c’est baisser les salaires, supprimer les allocations et renvoyer les pauvres aux Eglises (vu la haute probabilité de tomber sur un prêtre pédophile en Belgique, c’est vraiment très très méchant de leur part).
Le patronat n’est pas là pour réduire la pauvreté mais pour la créer !
Alors ils poussent les mesures d’austérité qui visent à diminuer le niveau de vie des Belges et du reste des européens, regardez ce qu’ils font aux Grecs, aux Espagnols, aux Italiens, aux Portugais, aux Irlandais …
La généralisation de la précarité de l’emploi ne contribue pas à créer de la sécurité d’existence, ça rend inquiet et anxieux pour l’avenir, cela rend aussi très flexible et franchement très peu contestataire! On a trop à cœur de payer les factures pour pouvoir se payer le luxe de dire merde à un patron qui plus que probablement fraude socialement (une espèce en expansion plus on met la pression sur les chômeurs en les menaçant d’exclusion, évidemment). Je suis sans doute subjective car je n’ai jamais eu que des patrons escrocs et fraudeurs sociaux et moi, je suis une employée modèle (si si, ne vous étranglez pas …).
Plonger des milliers de gens chaque mois dans la grande pauvreté via la chasse aux chômeurs et toutes les autres petites barbaries administratives conduisant à la sanction ou l’exclusion de l’ONEM, alors qu’aucun plan massif et immédiat de création d’emplois convenables, durables, de qualité à temps plein ne soient même sur les rails, est un suicide collectif, au plan social et économique et plus que probablement politique à terme (le clientélisme wallon a vécu !).
Notre seul salut, à nous le peuple, c’est de réussir à vendre au meilleur prix, notre force de travail ! Avec le soi-disant accompagnement des chômeurs, l’Etat s’arroge le droit de nous contraindre à accepter n’importe quoi sans discuter parce que sinon on est exclu.
Nous avons donc perdu tout pouvoir de négociation de notre salaire car on est, et le patronat s’en frotte les mains, obligé de signer quel que soit le contrat et le salaire, ne parlons même pas des conditions de travail. Le FOREM ne vérifie pas que l’offre d’emploi remplit les conditions de barèmes et d’emploi convenable, le chômeur est obligé pour « réussir » le contrôle ONEM de l’activation de s’être inscrit dans une agence d’intérim, qui a décidé que l’intérim était un débouché convenable ? Il suffit d’aller voir son banquier avec des contrats précaires pour voir à quel point on est « estimable »… Déjà que les banques ferment d’autorité les comptes des temps partiels et des petits revenus, parce qu’ils ne rapportent pas…
Alors nos revenus sont en berne (ceux des chômeurs comme de pas mal de travailleurs), ils stagnent ou diminuent et franchement, qui a envie d’être pauvre (mis à part les écolo décroissants et les prêtres ouvriers)?
Soyons clair, le couple suppression de la durée illimitée du chômage et suppression de l’indexation, conduira à la dégringolade du pouvoir d’achat et des salaires. Combien de temps mettrons-nous pour atteindre le salaire minimum bulgare à votre avis? Les paris sont ouverts…
Di Rupo dans sa note 1.0 a d’ailleurs lâché les travailleurs sans emploi, têtes de turc idéales de populistes droitistes égoïstes. J’ai pas vu le patronat s’engager dans une création chiffrée d’emploi, j’ai même entendu sur la Une (RTBF) les patrons dire qu’ils n’ont pas l’intention d’augmenter le niveau actuel de création annuelle d’emplois… L’avenir est aux «freelancers», au télétravail et au «co-working».
Dans le trou, les chômeurs, le patronat et ses marionnettes, nos politiciens, les enterreront dans la fosse commune creusée pour le salariat.
Ca ne résoudra rien. Si ça ne vous concerne pas encore, pas d’inquiétude, ça vous concernera bientôt…
La réforme du FOREM est une étape centrale dans le processus de désintégration sociale du chômeur conduisant à l’annihilation du salariat.
A moins que nos voix s’élèvent pour dire non à ce projet mortifère?
Corine Barella