L’Onem me fait marcher, le Forem joue avec mes pieds (3)

J’approche de Hotton, j’avance bien.

 

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Le décor est magnifique et chaque pas que je fais est un baiser que je donne à ma mère-nature. D’ailleurs elle m’offre mon repas : un tapis d’ail aux ours que je déguste avec une boulette de pemmican.

 

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Arrivé à Hotton, je cherche le GR57 en direction de La Roche-en-Ardenne. Je hais la puanteur hydrocarburée des villes.

 

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Allez . GO !

Purée ! Ça grimpe. Les indigènes ont probablement dû supprimer les descentes à cause des restrictions budgétaires.

 

Et si nous, les personnes de la C.R.T.S.E. envoyions un C4 aux hommes/femmes de main de la gestapOnem afin qu’ils deviennent de véritables professionnels; je me dis qu’après 2 ans à courir derrière leurs droits légitimes, à se justifier tout le temps à propos de tout, à compter chaque centimes d’euro, à choisir entre une action coûteuse qui ne servira qu’à étoffer l’aussweiss (le laisser-passer qu’ils nous octroie, ou pas, vers nos droits légitimes) et un repas sain et équilibré, à se rendre compte que les amis s’éloignent les uns après les autres, à voir le couple où la cellule familiale souffrir, à vivre dans la crainte du lendemain chaque jour, à se retrouver au ban de la société économique et sociale çà pourrait peut-être leurs faciliter un retour vers des sentiments plus humains.

 

 

J’arrive devant un chouette site touristique que je m’étais promis de visiter à l’occasion, mais je n’en ai ni le temps ni les moyens financiers. 

  

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En n’étant pas exclu de la vie civile, économique et culturelle, j’aurais pu m’arrêter quelques instants, prendre un verre, bavarder un peu, et éventuellement déposer un C.V.. Faudra que je pense à en e-mailer un de retour à Arlon ; pourtant je suis persuadé que c’est plus efficace de le faire durant un échange humain interpersonnel. 

  

J’arrive dans la commune de Rendeux, la forêt est envahie. Des petits soldats jouent à « pan-pan t’es mort ». Je touche le triangle rouge que j’arbore à mon col et je pense : rendez-moi mes sous. Quand on y pense, un militaire ça coûte beaucoup plus cher à la collectivité qu’un chômeur et ça ne sert plus vraiment à défendre l’intégrité du territoire national. Faudra que je m’informe sur le lien qu’il peut y avoir entre les intérêts économiques de quelques « grandes familles »belges qu’il convient d’aller défendre à l’étranger, notamment en Afrique, et la susdite intégrité du territoire national. Et dire que se sont les mêmes commanditaires qui veulent rationaliser (flamandiser?) les casernes et renvoyer les militaires sur le marché de l’emploi. Allez les gars, le matin du grand soir venez du bon côté des barricades ; c’est pour vous aussi que des gens s’engagent.

 

 Depuis quelques moments le ciel se couvre et j’entends l’orage gronder.

Orage ! Oh des espoirs !…

Le temps de sortir mon bel imper rouge avec le logo FGTB-TSE et je suis trempé comme une soupe. La grêle çà pique.

Le soleil réapparaît et en marchant mes vêtements sèchent vite. Pas mes chaussures, hélas ! Mais ce n’est ni la première ni la dernière fois que je suis dans cette situation. Les aléas du métier.

 

 

Je descends maintenant vers Waharday. Il faut que je trouve de l’eau potable.

Pas trouvé. J’arrive aux dernières maisons du village. Je sonne à la porte de l’une d’entre elles, me présente en tant que randonneur et demande à ce que la dame qui m’ouvre accepte de remplir mon bidon. Il m’arrive parfois de devoir agir ainsi et je n’ai jamais essuyé qu’un seul refus, aux alentours de Bouillon, il y a deux ans. Nous bavardons un petit moment, sa petite fille me raconte sa vie, me dit qu’elle a vu des soldats et qu’elle a eu peur je lui réponds que moi aussi.  À sa demande j’expose à la dame le sens de ma démarche, elle m’approuve et m’assure de son soutien. Un bon moment de solidarité et de relation humaine. Çà fait du bien au cœur.

 

 

Je quitte le village, remonte (encore) vers les bois.

 

 

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Après Hodister je suis suffisamment proche de La Roche, j’y serai demain matin. Il est temps de penser à passer la nuit. Je dresse mon bivouac, c’est sommaire mais plus que suffisant.

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Maman-nature m’offre mon souper. Au menu : soupe d’orties et d ‘aegopodes, la gentille dame a fourni l’eau et moi le cube de bouillon. On n’est pas des sauvages ! En dessert une poignée d’oxalis. Je n’ai pas retrouvé d’ail aux ours, dommage. Demain peut-être.

 

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Entre autres choses, je suis passionné d’histoire et notamment par les amérindiens Lakhota. J’entends des flûtes et des tambours ; des chants que je connais et que j’aime. Il y a certainement une fête dans un village des alentours. Cette musique me berce et me détend, génial.

Selon une lettre du général Sherman au colonel William (Buffalo Bill) Cody les « Indiens » ont été exterminés « pour être remplacés par des hommes et des femmes de race blanche qui peuvent être recensés, taxés et gouvernés selon les lois de la nature et de la civilisation. Ce changement a été salutaire et s’accomplira jusqu’à la fin ».

Je ne demande pas à être recensé, taxé et gouverné, je veux juste être un homme libre et respectueux de mes semblables. Rendez-moi mon boulot ou, pour le moins la possibilité de vivre décemment ; ces moyens d’exister sont mes bisons à moi. À quand des « reservation camps » pour chômeurs ?

« La na washte hau » . Ca va bien, salut. Bonne nuit.

 

Samedi21/05. Il est 05h30 et j’ai droit au plus doux des réveille-matin. Aucun stress avec le chant de la nature qui s’éveille. Une infusion de bourgeons d’épicéa et rangement du matos et des lieux.

 

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En route vers La Roche. Puis de là vers Houffalize.

 

À La Roche je ne trouve pas le GR mais je prends le temps de bavarder un peu.

C’est gag, je trouve le moyen de parler métier ; l’homme est bourrelier, j’ai été cordonnier. Nous parlons de peaux tannées, de peaux vertes (non tannées) parce qu’il travaille sur une œuvre d’art (une baleine de 9 m en cuir brut qui sera exposée à Bruxelles). Puis de fil en aiguille nous parlons de préhistoire à cause des techniques de tannage. Finalement si on exclu la gestapOnem de l’équation c’est agréable une relation humaine gratuite.

Il ne peut pas m’aider à retrouver mon chemin.

Pas de petit bandeau blanc et rouge en vue. C’est souvent le cas en ville et sans topo-guide je balise (humour de randonneur), tant pis je prends la nationale. Selon ma carte je devrais retrouver le sentier, il y a plusieurs intersections entre les deux chemins. Je fait le plein d’eau chez un particulier qui insiste gentiment pour « mettre quelque chose dedans ».non, merci juste de l’eau.

 

C’est pas la joie, la route des automobilistes.

Mais bon, j’avance.

 

Houffalize, enfin.

Jour de marché, il y a foule, il fait beau, et je retrouve le GR. Je dois changer à nouveau et monter sur le GR AE (Ardennes-Eiffel) en direction de Bastogne, puis d’Habay. Je suis dans les temps. J’ai un peu mal aux pieds mais rien d’anormal après 20 bornes de route.  Je continue.

 

J’ai entendu les sbires de la gestapOnem parler de leurs victimes en terme de clients ; mais alors c’est de la vente forcée, donc illégale; je ne suis pas acheteur.

Les a-t-on déjà soumis à un interrogatoire pour exiger qu’ils justifient  les efforts réalisés pour trouver un emploi convenable avant d’accepter de faire « ça » ? Je m’interroge à propos de leur règlement de travail. Est-ce qu’il leur est interdit de faire preuve d’empathie, d’écoute et de compréhension? Est-ce qu’ils sont informés de la situation réelle dans la vraie vie ? Est-ce qu’ils ont du étudier la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme comme une liste de fautes professionnelles à ne pas commettre ?

J’exagère un peu, là ? Pas sûr.

 

Un ami syndicaliste de longue date m’a affirmé qu’au début il y avait des gens biens dans les rangs de la gestapOnem mais qu’ils sont partis, harcelés, dégoûtés.

J’ai pas les moyens de te payer les droits d’auteur, Vincent, désolé ; je reprends néanmoins ta formule : « une fois les dégoûtés partis ils ne reste plus que les dégoûtants ».

 

Est-ce qu’ils usent de l’excuse des nazis jugés à Nuremberg ? On obéit aux ordres, on ne sait pas.

À cette époque là, l’argument n’a pas été retenu, mais même ces gens-là ont eu droit à être entendus à charge et à décharge ainsi qu’à la présomption d’innocence. Où est l’équité quand un chômeur est jugé arbitrairement par une seule personne, uniquement à charge et qu’il lui appartient de fournir les preuves.

 

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En direction de Bastogne sur un chemin de béton depuis plusieurs km.


Je ne crains pas vraiment que les éoliennes que l’on voit (mal) sur ma (mauvaise) photo explosent. Et puis c’est moins moche et moins envahissant dans le décor qu’une centrale atomique.

J’ai de plus en plus mal au pieds. Mes chaussettes sont propres et sèches mais mes chaussures toujours humides de l’orage d’hier.

 

Dès que possible je quitte le GR et rejoins la nationale et de là Bastogne en auto-stop. Je m’y soigne, m’y repose et je redémarre vers Habay.

 

Marre de cette route en béton, ça brûle. Bon sang, j’ai déjà vécu ça lors des 100km de Binche, ça va passer.

 

Enfin un chemin en direction de la grand route.

 

J’arrive à Hardigny .

 

Je n’en peux plus.

 

Mais bordel ! Qu’est-ce j’ai aux pieds ?

 

Je n’en peux vraiment plus.

 

Tant pis, plus le choix. J’arrive à la première maison du village, une voiture est garée devant et j’entends du bruit, il y a quelqu’un. Je frappe, me présente et explique que j’ai besoin d’aide. L’idéal serrait d’appeler une ambulance pour m’emmener aux urgences à Bastogne. Deux hommes me reçoivent, le père et le fils et proposent de m’emmener à Bastogne.

 

Voilà comment je me suis retrouvé au service des urgences.

 

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Retour à Arlon grâce à l’aide de mon fils qui est venu chercher sa fille pour le week-end. Il paye le bus et porte mon sac. Sans lui, devoir faire facturer le voyage m’aurait coûté beaucoup plus cher.       C’est pas un échec, la preuve est faite qu’on peut facilement vivre sans l’Onem, difficilement sans les autres. Par contre je doute que la gestapOnem puisse exister sans les Travailleurs Sans Emploi, nous sommes plus qu’une matière première à recycler, qu’un numéro de dossier à traiter, nous sommes leurs employeurs et sans nous ils n’ont pas d’emploi. Comment accueillerons-nous ces gens le jour où ils auront accompli leur tâche ? Allez-y, contrôlez, excluez, nous vous attendons ! Nous vous « faciliterons » les choses. Promis ! Juré !   Lors de mon voyage, j’ai rencontré des gens biens, certains qui avait subi les sévices de la gestapOnem, d’autres qui étaient simplement sympas. J’ai même laissé quelques tracts de la CRTSE en route.   Merci à tous ceux qui m’ont aidé, soutenu, encouragé. Un grand MERCI à ces deux messieurs de Hardigny.   Une autre marche m’attend pour laquelle je suis moins bien armé : survivre dans la jungle urbaine, m’immerger dans les méandres de l’administration, faire respecter ma personne et mes droits, trouver, malgré,envers et contre toute forme de libéralisme, des moyens d’existence honnêtes et décents. Et surtout partager avec mes collègues Travailleurs sans Emploi nos expériences.   À très bientôt.     Eric
 

En attendant : surtout, SURTOUT, ne lâchez rien !

 

 

 

3 comments

  • merci Eric de nous faire partager tes souvenirs de voyages

  • Marie-Claude

    Vivement la préparation d’une nouvelle marche à travers notre belle province; notre façon à nous de manifester, de montrer qu’on existe puisque privés d’emploi nous ne pouvons pas faire grève
    pour revendiquer nos droits. Le droit de vivre dignement tout simplement.

    Et surtout, SURTOUT ne lachons rien !!!

  • Hélène

    Tu ferais pas mieux d’aller te rendre utile au lieu de te balader en râlant et en touchant quand même les alloc de chömage pendant que les autres bossent?

    Ce n’est pas le bénévolat qui manque et on y fait aussi de belles rencontres!

    C’est mon choix en tout cas!!!

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