“ Je continuerai à emmerder le social ”
ENTRETIEN: Denis Uvier Animateur de rue au sein de l’ASBL Solidarités Nouvelles À PROPOS DE l’action tente C’est un fameux poil à gratter ce Denis Uvier. Depuis plusieurs années, il multiplie les actions “ camping” dans le paysage carolorégien. C’est sa manière à lui de secouer les décideurs et de donner un toit aux “ copains ” restés sur le carreau. “ Il faudra me traîner par la force pour que je quitte le camp ”, prévient déjà l’animateur de rue. Voilà dix jours qu’il a installé un campement sur un terrain près de la rue de la Broucheterre.
Tu as décidé d’occuper un terrain appartenant à la Région wallonne, cette fois-ci. C’est une première, non?
Oui et je ne suis pas là par hasard. Je m’adresse à la Région wallonne car c’est l’autorité qui gère le logement et qui détermine le nombre de lits pour les sans-abri et les dispositions pour le Plan Grand Froid
Quelles sont tes revendications auprès de la tutelle?
Je ne réclame rien. J’attends qu’on m’expulse d’abord. Tout ce que je peux dire, c’est que pour moi, les terrains vides appellent les constructions alternatives. Et tout ce que je vois pour l’instant, c’est que des gens restent encore sur le carreau. Ils sont en errance. Depuis le mois de janvier, cinq squats ont été incendiés! Au moins quand j’installe des tentes, ce sont 16 gars qui dorment et qui ne font pas les cons.
Ces actions tentes, c’est une manière de faire pression…Mais qu’est-ce qu’elles ont permis d’obtenir comme avancées?
Celles qu’on a menées le long de la Sambre, sur le terril des Piges et puis devant Ulysse ont permis de prolonger la durée du Plan hivernal d’un mois. On a obtenu également plus de lits. Les avancées sont donc là mais elles sont trop lentes. Notre position reste toujours la même: c’est toute l’année qu’il faut plus de lits. Et au-delà de l’urgence, il faut accompagner les sans-abri dès qu’ils se présentent. J’en ai vu des SDF arriver dans un état nickel et devenir au contact d’autres sans-abri les pires soûlards et salauds.
Je vais me faire l’avocate du diable mais si demain au lieu d’avoir 79 lits en période hivernale, Charleroi en compte 150 et que 175 SDF se présentent dans les structures, que fais-tu?
C’est une lutte sans fin! Il faudrait déjà régler la question des sans-papiers. Ce sont des êtres humains avant tout. Et c’est ce qui prime sur le terrain. Mais je leur ai déjà dit que je travaillais d’abord avec les SDF en règle. Ensuite, il y a toute une politique à changer. Ce que Charleroi fait, c’est se débarrasser de ses précaires. On veut les chasser. On ferme des bâtiments pour insalubrité et puis, on ne sait pas reloger les occupants! On ne réglera rien s’il n’y a pas de prise de position politique.
Certaines personnalités politiques, justement, t’ont soutenu dans tes revendications. Tu l’es toujours autant, plus ou moins qu’hier?
J’ai plus de militants qu’hier et j’ai l’appui de gens qui préfèrent rester dans l’ombre. C’est grâce à eux que j’ai pu acheter des tentes… Au niveau institutionnel par contre, on me descend encore plus qu’hier.
Après toutes ces années et ces combats incessants, tu n’es toujours pas blasé?
Quand je suis arrivé à Charleroi, j’étais SDF. Et c’est cette ville qui m’a permis d’être celui que je suis. Et je continuerai à emmerder le social. En tant que tel, le social me dégoûte. J’aimerais avoir mon propre bâtiment et faire de l’accompagnement avec une petite dizaine de personnes.
Qu’est ce qui pourrait te faire arrêter?
Il faudrait me tuer pour que j’arrête (Rires). Ou que je sois victime d’un infarctus. Moi, je ne me pose pas de question: le matin je me lève et je fonce.
“ Je resterai sur le terrain de la région wallonne jusqu’à la fin du mois de juin maximum. ”
denis gauvain
Article: Sudpresse.be
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