L’ONEM contrôle les employeurs qui répondent aux candidatures de chômeurs !

C’est probablement le comble du cynisme, pour l’ONEM, les employeurs civiques qui répondent aux candidats-chômeurs sont sommés de s’expliquer sur leur attitude et leur pratique.

Foi de chercheuse d’emploi aguerrie, ils ne sont pas légion à faire diligence et à répondre aux candidatures, même quand ils ont eux-mêmes placé une annonce. Ils mériteraient donc une médaille du civisme ces irréductibles employeurs qui répondent aux chômeurs qui les sollicitent.

Pour l’ONEM, c’est hautement suspect !

Pour preuve la copie d’un courrier-type envoyé par l’ONEM à l’un de ces vertueux recruteurs.

«Lors des entretiens, (NDLR : du contrôle dispo à l’ONEM où un facilitateur épluche les preuves de recherche d’emplois du chômeur) nous avons constaté qu’à plusieurs reprises le nom de votre établissement a été mentionné dans les documents présentés.»

Jusque-là, on explique le pourquoi. Mais déjà la menace pointe :

« Afin de pouvoir vérifier si votre nom n’a pas été utilisé à des fins frauduleuses, nous serons peut-être amenés à vous contacter  régulièrement pour contrôler les candidatures des demandeurs d’emploi.»

En gros, l’employeur aussi va avoir l’ONEM aux trousses – ô joie – déjà qu’il a pris le temps, lui,  de répondre aux chômeurs, voilà comment on le remercie …

«Pour cela, nous vous demandons au préalable de répondre au questionnaire qui suit et nous le renvoyer dans les plus brefs délais.»

La vraie menace, on peut la lire sur la page deux, en bas de page, un extrait du code pénal social très clair quant aux conséquences d’un refus d’obtempérer …

La lettre complète


Pourquoi est-ce le comble du cynisme ?

Cette propension à soupçonner de fraude tous les actes posés par le chômeur quant il rencontre ses obligations légales est au cœur de toutes les réformes du droit social depuis les années 2000. #begov assomme le chômeur de devoirs à accomplir, sans que le budget pour la réalisation de ces devoirs ne suive (c’est même l’inverse, le niveau de l’allocation de chômage est en baisse depuis novembre 2012).

Le chômeur ne subit que des renforcements négatifs. Plus on alourdit sa barque, plus la traque s’intensifie, plus la pression est forte, plus il se sent acculé et plus le chômeur, qui n’a d’autre choix, élabore des stratégies de survie qui impliquent d’adopter les comportements qui lui sont imposés,  et indiquerait alors (le comble) qu’il ne fait que remplir officiellement ses obligations, que le coeur n’y est pas (c’est juste du show pour garder ses alloc), car il serait profondément adversaire – par nature – à chercher un emploi, c’est une évidence, le chômeur est responsable du chômage (paramétrage par défaut de l’ONEM en mode « fraude » permanent).

Finalement, la docilité du chômeur à adopter les comportements du «bon chercheur d’emploi» se retourne contre lui. Paradoxal système.

Et non, le coeur n’y est pas!

On peut avoir une recherche très active la première fois qu’on est contrôlé, quand on n’a pas encore été atteint par le défaitisme, qu’on est encore dynamique et qu’on y croit. Mais l’usure, le désespoir, la désillusion s’installent vite quand on subit toujours des revers et que jamais aucun événement ne permet de positiver et finalement d’avoir le sentiment qu’on avance quand, clairement, on recule, dégressivité ou exclusion en 2015 en prime.

Le gouvernement a donné un blanc-seing à tous les organismes de la Sécu, et l’ONEM en particulier, pour pratiquer la pédagogie noire qui est à l’œuvre : on casse du chômeur, on le punit d’être chômeur en lui baissant ses allocations, on le punit de ne pas avoir trouvé un emploi en l’excluant purement et simplement comme les jeunes à partir de janvier 2015, mais surtout on ne le récompense jamais de tous ses efforts, restés vains en pénurie d’emplois, car le soupçon permanent entache ses démarches pour l’Office, l’ennemi d’Etat du chômeur.

Mais ce n’est pas le seul, les organismes subrégionaux de l’Emploi, FOREM/ACTIRIS/DG/VDAB contactent aussi les employeurs, sans les menacer, pour vérifier que les chômeurs, à qui l’organisme a imposé de postuler, l’ont bien fait, comme en témoigne un employeur:

«Nous avons reçu une lettre d’Actiris demandant de cocher dans la liste des noms communiqués, ceux qui avaient effectivement répondu à notre offre d’emploi.»

Cela postule tout de même dangereusement que le patron  a la vérité infuse, qu’il ne ment jamais, lui, conserve bien toutes les traces de tous les candidats (au lieu d’appuyer sur delete…) et qu’il répondra honnêtement aux courriers de l’ONEM comme des ACTIRIS/FOREM/DG/VDAB !

Une fois acculé à devoir chercher tout et n’importe quoi (la loi sur l’emploi convenable modifiée depuis le 1/1/2012 oblige le chômeur à élargir son champ de recherche d’emploi à tout profil au-delà d’un délai très court de 3 à 6 mois),  et à ramener suffisamment de preuves pour que l’ONEM lui foute la paix jusqu’au tour suivant (preuves écrites imprimées, pour être «bureaucratiquement correct»), le chômeur qui accomplit son devoir se voit dès lors suspecté, aussi, de falsifier sa recherche d’emploi. La pénurie réelle d’offres ne joue décidément jamais en sa faveur.

Ce qui est confondant de bêtise car en tant que chômeur, on ne peut pas se plaindre à l’ONEM de la pénurie d’offres, alors qu’il nous juge, l’ONEM, lors du contrôle dispo, sur le nombre de candidatures envoyées et le nombre de réponses patronales reçues en retour …  Toutes choses sur lesquelles le chômeur n’a aucune prise ! Comme c’est bizarre.

Il n’y a pas de loi qui oblige les patrons à créer des emplois ni à poster des offres en suffisance pour tous les chômeurs, mais il y a bien une législation qui va contrôler si le chômeur postule à suffisamment d’emplois, quel que soit le nombre d’offres disponibles par ailleurs.

La délation, arme fatale patronale

Ca énerve certains patrons que les chômeurs s’activent (alors que le patronat réclame l’activation, notamment de l’allocation de chômage en subside à l’emploi…).  Ainsi le syndicat neutre des indépendants (SNI), excédé par tous ces chômeurs «faux candidats à l’embauche» qui osent demander à l’entretien que le patron «signe une preuve de candidature» avait même demandé que le gouvernement organise la délation anonyme de tous ces candidats récalcitrants.

«Le SNI proposait de transmettre les noms de ces faux candidats par le biais d’une application en ligne aux services de placement (Forem et Actiris) et à l’ONEM. » Et, sans surprise, pas un mot sur la création massive d’emplois pour tous ceux qui en sont privés, par contre le SNI (de concert avec les grands patrons représentés à la FEB et l’UWE ou le VOKA) milite activement (sic) «pour la limitation des allocations de chômage dans le temps» (c’est édifiant de voir les responsables de la crise de l’emploi demander la tête de leurs victimes sur un plateau et l’obtenir!). Le sens de la justice et de l’équité des réponses à la crise qui ne s’attaquent qu’à ceux qui la subissent de plein fouet ne laisse planer aucun doute sur l’intention méchante de #begov et sur son allégeance au patronat contre les citoyens.

De deux choses l’une, ou le chômeur récolte les preuves que la loi lui impose, ou les patrons créent les emplois manquant ! Un patron récalcitrant qui veut nuire à un chercheur d’emploi droit dans ses bottes, ça existe aussi … Retournement de veste du SNI à l’annonce par John Crombez, Secrétaire d’Etat à la fraude sociale et fiscale, que le site de la délation de la fraude sociale était en préparation, car – ô shocking ! –  on n’y dénonce pas que les chômeurs, les patrons aussi !

Le patronat est-il schizo ?

Il s’entête à réclamer tout et son contraire, car le fait d’avoir déclenché la chasse aux chômeurs en 2004 a, inévitablement, un impact sur le niveau de sollicitations qu’il reçoit, – dommage collatéral -,  et ce d’autant plus qu’il ne les crée pas les emplois pour lesquels on active les chômeurs (soi-disant).

Il faut cesser d’être naïf, le but n’est pas de les remettre à l’emploi (surtout quand on couple la traque à une diminution tragique des allocations de chômage) mais bien de leur mettre la pression pour qu’ils se soumettent à toutes les propositions malhonnêtes du patronat  (53.000 emplois nets créés en 2012 pour environ 680.000 chômeurs indemnisés à l’ONEM) ainsi les contrôles s’intensifient côté chômeurs sans qu’ils puissent y avoir d’autres effets que l’exclusion, la sanction, vu la pénurie côté offres…

C’est celui qui le dit qui l’est !

Et qui hurle le plus que les chômeurs profitent des largesses de l’Etat? Les patrons !

Qui a reçu 10 milliards de réduction de cotisation patronale à la Sécu en 2012 ? Les patrons.
Qui voit ses droits diminués, son revenu réduit  voire carrément supprimé ? Les chômeurs !
Qui voit son salaire bloqué ou si bas qu’il est pauvre en travaillant? Les travailleurs (et les petits indépendants).

Mais il y a pire car #begov récompense la fraude sociale structurelle et le chantage à l’emploi des patrons de l’HORECA, ici renommé « SuperFraudeur » avec 46 % des contrôles positifs des inspections sociales. Suite à l’implantation d’une caisse enregistreuse qui  empêchera le travail en noir dans le secteur,  qui le revendique sans honte, #begov a octroyé une réduction forfaitaire de cotisations patronales à la Sécu pour 5 travailleurs dans une entreprise Horeca de maximum 50 travailleurs, à la condition d’implémenter ladite caisse enregistreuse de contrôle d’ici fin 2015 . Et cela après que le secteur ait fait la promesse non-tenue, en 2009, de créer 6000 emplois contre la baisse de la TVA à 12%. Or, en 2011, l’économiste Philippe Defeyt fait le constat que non seulement les emplois ne sont pas là mais en plus, ceux qui sont là coûtent près de 40 millions d’euros d’aides à l’emploi versés par l’ONEM.

La morale de l’histoire ? En Belgique, l’incivisme patronal paie toujours ! Mais le civisme du chômeur lui reste suspect, on se demande vraiment pourquoi …

Corine Barella

 

Article: actuchomage.be/info

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