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Depuis bientôt deux ans, les États occidentaux tentent de faire payer leur crise économique aux sociétés civiles du monde entier et colmatent les brèches de leurs canots de sauvetage, gangrénés par le flamboyant totalitarisme des marchés financiers et la connivence permanente entre monde abstrait de la spéculation financière et classe politique.
Cette classe versaillaise de hauts fonctionnaires d’État se targue d’être démocrate au chevet du peuple là où ces hommes ne sont qu’une bureaucratique oligarchie, fidèles serviteurs de l’Empire capitaliste qui manifestent une folie obsessionnelle à imposer une mainmise permanente sur sa population : mise sous cadenas des cerveaux, contrôle de l’information en considérant les médias comme ambassadeurs de la vérité, révoltes et résistances ankylosées, télésurveillance, politique du tout sécuritaire, exaltation des peurs, division des foules…
Nous vivons une époque formidable où Big Brother règne en maître sur les esclaves des temps modernes. Citoyens du nouvel ordre mondial, prenez gare au télécran, nous sommes la cible de leurs institutions du vol. L’équation est simple : celui qui a de l’argent vit, celui qui n’en a pas galère ou crève.
Face à l’engrenage de ce système qui écrase tout ce qui est plus faible sur son passage, l’individu en quête de liberté tombée en désuétude, doit lutter en permanence contre l’avarice des mercenaires du pouvoir et les bouches avides, gourmandes en dividendes et portefeuilles de titres. Mais n’ayons crainte, les gardes fous de la République irréprochable nous assurent quotidiennement paix, pain, bonheur et sécurité, malgré plus de 300.000 destructions d’emplois pour l’année 2009 en France, pendant que Veolia Environnement enregistre des profits records.
Les indécrottables valets de la sarkozie (Lefebvre, Hortefeux, Besson, Bertrand, Bettencourt, Dassault, etc.) et les journalistes de grande audience n’ont pas la gorge sèche lorsqu’il s’agit de cracher toutes ces balivernes médiatiques au micro, et ne manquent jamais de parts de marchés dans leur concupiscence pour les mascarades électoralistes fumeuses et clientélistes. Vêtus de leurs soutanes parlementaires ornées de fleurs de lys, artisans de la langue de bois et rois de la manipulation, ces hommes de pouvoir, avec démence et indécence, imposent leurs points de croissance en plus pour se remplir la panse pendant que la France panse ses plaies cérébrales entre stress, angoisse, dépression, drogue, addiction télévisuelle et bonheur vacancier d’une courte durée de cinq semaines annuelles.
Ce bonheur prémâché en doses publicitaires, patiemment attendu durant quarante sept semaines d’exploitation salariale consentie, qui se libère l’été sur les plages de la France, doigts de pied en éventail, permet de fermer les yeux une fois de plus sur l’amer goût de peste brune récupérée à la flamme par le pommier, séduisant les électeurs frontistes et rodant autour des couloirs de l’Élysée depuis l’automne 2009. Ce, tout en espérant observer de son vivant un changement qui ne viendra que lorsqu’il sera trop tard pour la planète, saturée par la destruction rentable des écosystèmes, la radioactivité due aux radiations calmes et latentes d’un siècle d’extraction nucléaire, la pollution des sols, des eaux, des mers et de l’air.
Ce texte n’a pas vocation à faire la publicité malsaine d’un écologisme capitaliste digne des écolos-bobos tels Nicolas Hulot ou Yann Arthus-Bertrand (qui se lamente de la pollution du haut de son hélicoptère, et qui finance un film grâce à de grands groupes industriels tel Pinault, PDG de Pinault-Printemps-Redoute), ceux-là mêmes qui n’auraient de honte à faire produire des bombes écologiques pour guerres propres, des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques à la chaîne par des mômes de dix ans, pourvu que l’on utilise les énergies renouvelables dans le processus de production. Ce texte voudrait plutôt être une voix qui hurlerait contre l’état chronique de misère ambiante de la pensée critique, généré par des dizaines d’années d’endoctrinement massif et de formatage idéologique au système consumériste, pour que même les gens « de gauche » s’adaptent aux nouveaux besoins créés par les entreprises et à la doxa du marché.
Parmi tous ceux-ci qui font couler le Titanic chaque jour un peu plus, une ineptie loin d’être raisonnable sort des micros des politiques dominants depuis 2008 : il faut refonder, moraliser, réguler le capitalisme. En proposant de rendre moral ou acceptable une entreprise de mise à mort lente et généralisée (par la précarité au Nord, la faim au Sud, ou les guerres « propres » néocolonialistes de l’Empire néolibéral) à l’échelle de toute la planète, même Hitler, Staline ou Pinochet n’auraient pas fait de plus belles oxymores. Moraliser le capitalisme financier dans un monde globalisé, cela revient à dire qu’un renard qui ravage et assassine tous les moutons d’une bergerie, ou les lapins d’un clapier, pourrait être dompté pour qu’il les cajole.
Mondialisation et oligarchie des entreprises : deux phénomènes intimement liés
La fabrication à la chaîne des opinions façonnables et des êtres manipulables et corvéables à merci dans un univers de surveillance numérique afin que règnent en maîtres les cartels d’entreprises multinationales, ne se font pas sans des États dont les gouvernements, de gauche ou de droite libérales, légifèrent pour avaliser les agissements de ces prédateurs du Capital globalisé.
La mondialisation dans sa phase néolibérale force les économies nationales à fusionner sur un seul et unique marché capitaliste transcontinental. De telle manière que les États sont forcés de privatiser leurs entreprises et spécialiser leurs économies dans les secteurs où ils sont les plus compétitifs pour ne pas perdre la confiance des marchés financiers. L’individu, l’eau, la terre, le ciel, tout est potentiellement vendable sur le marché unique mondial, à un tel point que bientôt, un air pur sans hydrocarbures respiré en pleine campagne fera gonfler l’avis d’imposition annuel. Dans les chiffres, la mondialisation procure une abondance colossale de biens et de richesses, mais il est important que cette fausse abondance ne bénéficie qu’à un tiers de la population mondiale. Ces richesses, depuis 1492, ne circulent que du Nord vers le Nord, ou du Sud vers le Nord.
« Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse du sous-développement sont la faim, la soif, les épidémies et la guerre. Ils détruisent chaque année plus d’hommes, de femmes et d’enfants que la boucherie de la Seconde Guerre Mondiale pendant six ans. » (Jean ZIEGLER, Les nouveaux maîtres du monde et ceux qui leur résistent – Ed. Fayard 2002)
Ce processus mondialiste arbitré par les organisations internationales — l’UE, le G8, le FMI et l’OMC — répond à une dualité causale permanente : le nombre d’individus sur Terre en état de misère absolue augmente chaque année, et les plus grandes fortunes du monde s’enrichissent encore, encore, encore et encore toujours plus. A titre d’exemple, quelques chiffres. En 2007, les 500 entreprises multinationales les plus puissantes ont contrôlé 54% du produit mondial brut. En 2009, le revenu des 500 individus les plus riches de la planète dépasse les revenus cumulés des 416 millions de personnes les plus pauvres. En 2005, 4 milliards d’individus vivaient encore avec moins de 2$ par jour. En 2007, les chiffres de l’ONU font état de 1.125 milliardaires en dollars ayant un patrimoine cumulé de 4.400 milliards de dollars.
Or, selon les mêmes sources, il faudrait 80 milliards de dollars par an pour assurer à la totalité de la population mondiale les services sociaux essentiels (santé, éducation, eau, assainissement). Un impôt annuel de 2% sur ces fortunes suffirait à regrouper ces 80 milliards.
Rappelons, selon Jean Ziegler, qu’un enfant de moins de 10 ans meurt de faim toutes les 5 secondes sur une planète qui peut nourrir 12 milliards d’êtres humains. Sur une Terre où 18,6% de Blancs contrôlent plus de 80% des ressources naturelles mondiales, il y bien de quoi penser que ce ne serait qu’un devoir citoyen de changer radicalement nos habitudes de consommation en France, et dans tous les pays dits « développés », en rétablissant les barrières douanières des pays les plus pauvres, ainsi qu’en réhabilitant une production optimale pour une consommation locale, au lieu d’importer des produits sous-payés au Tiers-Monde.
Or, au lieu de cela, les élites des pays d’Europe multiplient à tour de bras les délocalisations dans des « zones spéciales de production » (régions à bas salaires), ainsi que les politiques sécuritaires et la lutte contre l’immigration pour protéger les frontières, jouant sur un faux semblant de sentiment d’insécurité qui rassure les électorats. L’Occident finance, génère et alimente les conflits dans des pays dits « du tiers-monde », il dévalise les pays d’Afrique pour son confort personnel, et ensuite s’horrifie que des étrangers non issus des classes dominantes viennent s’y installer.
Tout en amalgamant volontairement délinquance et immigration, l’État français récupère les peurs sécuritaires qui étaient, depuis la crise, ensevelies sous les poussières de la propagande, insultant ainsi toutes les catégories de personnes qui, délaissées par le système mondial, souhaitent quitter la misère et la pauvreté de leur pays pour vivre, travailler avec des souffrances moins douloureuses. Mais il est plus facile de préparer le terrain médiatique pour rendre ses entreprises productrices d’armes et de nucléaire compétitives par la guerre, plutôt que d’assumer son passé colonial et jouer son rôle d’État.
Les sommes colossales d’argent générées par les multinationales françaises un peu partout en Afrique, du Niger à Madagascar en passant par l’Angola, sont rapatriées dans des buildings en verre à Paris; le ministre des affaires étrangères ne sert plus qu’à préparer le terrain pour vendre le plus possible de centrales nucléaires ou d’avions de chasse à des États en guerre; la corruption des élus et des ministres est devenue main courante en France. Mais même malgré ces trois insuffisants exemples, nul ne peut rediscuter la légitimité dont les pantins de la communication politique se réclament.
La guerre, une affaire rentable
L’économie globalisée actuelle fonctionne comme un gigantesque Empire qui cherche coûte que coûte à se maintenir. L’on en retrouve toutes les caractéristiques : politique d’expansion, volonté de puissance, néo-colonisation suivie de l’uniformisation à toutes les régions annexées des économies, enrichissement des dominants et pillage des dominés, soumission obligatoire au courant dominant, système de propagande, et la guerre.
La période dite d’Ancien Régime où les monarchies absolues régnaient sur l’Europe constitue la genèse de la consolidation de cet Empire. Le traité de Westphalie de 1648, qui redessinait les frontières des royautés européennes et tirait le profit des conquêtes militaires d’un Louis XIV absolutiste, fut l’un des premiers consensus européens autour de la volonté de puissance du continent sous couvert de paix associée.
La mondialisation et les révolutions industrielles qui s’en sont accompagnées durant ces deux derniers siècles ont transféré les conflits des champs de batailles vers l’économie et le monde de l’entreprise. Bien que les deux guerres mondiales et les affrontements divers du XXe siècle aient été très meurtriers, l’enjeu d’une guerre n’était, dès lors, pas simplement de remporter la bataille, mais il fallait aussi et surtout que les entreprises mères enregistrent des profits jamais observés. La guerre est une aubaine rentable pour la vente d’armes à tous les pays, qu’ils soient alliés ou ennemis, républicains ou fascistes. Pendant la guerre qui opposait l’Iran à l’Irak de 1980 à 1988, l’administration Reagan a inondé ces deux pays en armes alors que le conflit se déroulait aux portes de leur ennemi juré, l’URSS… Les États-Unis ont armé le régime de Saddam Hussein pendant quinze ans et l’ont assassiné vingt-cinq ans plus tard, lorsque celui-ci ne servait plus que d’argument médiatique à la fausse guerre contre le terrorisme; de même en ce qui concerne les Talibans, armés par le même pays pour lutter contre l’URSS.
Les forces armées de l’empire capitaliste — c’est-à-dire les banques et les multinationales privées, les institutions financières internationales (G8, OMC, FMI, Banque Mondiale) et les dirigeants d’États — peuvent à tout moment déstabiliser d’autres gouvernements, voire leur déclarer la guerre, s’ils ne servent pas leurs intérêts à court terme. Ce fut le cas, on le sait, au Chili le 11 septembre 1973. Depuis 2006 en Bolivie, l’administration américaine et la CIA tentent régulièrement de financer les partis d’opposition au régime socialiste d’Evo Morales pour le remplacer éventuellement par des Boliviens plus souhaitables aux élections (soit, des néolibéraux).
La plupart des États occidentaux sont les plus gros producteurs et exportateurs d’armes dans le monde. La France est le 4ème producteur mondial d’armes après le Royaume-Uni, la Russie et les États-Unis grâce au groupe Dassault, et alimente ainsi nombre de conflits en Afrique. Forts de leurs puissances, ces pays producteurs d’armes sont ceux dont les complexes militaro-industriels sont les plus développés, possèdent des bases aux quatre coins de la planète pour surveiller en permanence tout mouvement ennemi suscitant la menace étrangère; et ce sont aussi les pays membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. Institution légalisée et créée sous la forme d’une organisation d’États s’associant pour la paix en 1949, celle-ci est davantage une arme de poing balayant tout sur son passage pour consolider l’Empire qu’une association visant à stopper la guerre sur la planète.
Dans l’arrogance du système, faire la guerre pour obtenir la paix et imposer notre modèle de développement est devenu un symbole, une devise. La démocratie libérale ou l’écrasement sous les bombes : choisis ton camp, camarade. Faire partie de l’OTAN, grand militant européen de la paix meurtrière et sanguinaire, donne le droit à la France de faire la morale à tous les autres pays n’en faisant pas partie (Chine, Iran, Pakistan, etc).
Notre époque est sans doute la plus meurtrière de tous les temps, un magnifique monde où des bidonvilles se construisent au pied des grands buildings en verre, entre ceux qui crèvent sur la dalle et les actionnaires-banquiers qui ont tellement de primes et de bonus qu’ils ne sauraient même pas comment faire pour tout dépenser en un mois.
Le règne des entreprises, une tyrannie de la finance pour une poignée d’hommes à l’aune de la mondialisation
Cette hégémonie outrageuse des conglomérats d’entreprises privées ne s’est pas installée au dernier orage. Le développement des entreprises multinationales et leurs agissements néocolonialistes est une résultante directe de la mondialisation des échanges, celle qui enrichissait déjà les Empires coloniaux d’Europe (Grande-Bretagne, France, Portugal, Espagne) grâce au commerce triangulaire établi d’une manière savamment pensée pour le prestige des monarchies européennes, il y a cinq cent ans de cela.
Ce sont les économistes mercantilistes au service du pouvoir royal des XVIe et XVIIe siècles qui, dans l’histoire de la pensée économique, furent les premiers à établir une doctrine prônant l’enrichissement des nations d’Europe par le développement des échanges au travers du commerce extérieur. C’est la première forme combinée de mondialisation et de libéralisme, où les comptoirs européens s’établirent sur les côtes d’Amérique, d’Afrique, plus tard d’Asie.
En 1774, la Jamaïque comptait 200.000 esclaves sur 775 plantations. Les bénéfices nets reçus de ces plantations dans ce pays des Caraïbes par l’Angleterre pour cette même année représentaient 1.500.000 livres de l’époque.
On oublie souvent que, dans ce contexte de globalisation, la précarité ou la pauvreté d’un petit paysan producteur de café au fin fond du Honduras ou de l’Éthiopie est générée par les cartels occidentaux de la grande distribution. Que notre mode de consommation a de grandes influences sur la vie des pauvres gens d’Afrique, même si nous ne nous en estimons pas responsables.
Sans ces trois siècles d’accumulation de capital dans ses colonies et d’esclavage, l’Europe n’aurait pas pu réaliser la Révolution Industrielle de la fin du XIXe siècle et passer d’une économie agricole à une économie ouvrière, industrialisée, base de son développement économique. Et sans les progrès démocratiques et sociaux qu’elle a vécu au sortir de la Seconde Guerre Mondiale grâce aux diverses luttes sociales (Sécu, congés payés, réduction du temps de travail, etc), ce continent n’aurait pu bénéficier des services essentiels au développement social des populations (services publics, couverture sociale gratuite, services des eaux, éducation, santé publique). La mondialisation néolibérale depuis 40 ans tente à merveille, à l’usure, de faire table rase de ces acquis apportés par le Conseil National de la Résistance.
L’ère industrielle commence au début du XVIIIe siècle en Angleterre. Les industriels développèrent les premières pompes à vapeur qui permettaient de pomper l’eau des mines à la place des mineurs afin d’extraire davantage de charbon, plus rapidement, dans un souci de gain de productivité, tout en réduisant les coûts de production. L’exploitation du charbon a suivi celle du fer, puis du textile, puis celle de l’automobile. Aujourd’hui, le mot d’ordre est de produire davantage de cartes mémoires, de circuits imprimés ou de puces électroniques à l’heure… L’impératif économique voulant optimiser les calculs de coûts fixes et variables et accroître les objectifs de rentabilité ont toujours été les mêmes, et ce depuis que l’on attribue la notion de valeur dans la transformation d’une matière première en produit fini.
Si l’économie préindustrielle du XVe au XVIIIe siècle s’articulait autour du commerce triangulaire, avec pour socle le pillage des ressources d’Afrique et d’Amérique Latine par l’esclavage et le rapatriement de ces ressources en Europe, le cynisme de notre ère marchande est que l’on paie les esclaves. Car, dans le fond, rien n’a changé. Avec un (maigre) salaire, le salarié d’aujourd’hui se sent libre de consommer ce qui lui plaît, partout où il veut, dans la mesure de l’entendement de son banquier. Mais à la différence des esclaves du Moyen-âge, l’esclave salarié du XXIe siècle doit payer sa cage, sa parcelle de terre soit à un propriétaire, soit au service des impôts; il doit payer pour l’assurance obligatoire de ses bien matériels à travers ce qu’on nomme hypocritement les cotisations. Non content de payer pour sa cage en ville ou pour sa voiture à crédit, il s’y barricade constamment pour éviter qu’un autre esclave du régime totalitaire des banques ne vienne lui chercher des noises.
En fait, le pouvoir des entreprises n’a jamais été aussi conséquent sur l’individu, en ce qu’elles permettent de rétribuer aux esclaves modernes un sentiment de liberté pécuniaire, étouffant ainsi toute résistance à l’oppression ou à l’aliénation du travail.
L’institution du travail via la hiérarchisation des tâches, le corporatisme, le management, l’objectif de rentabilité et de productivité en un temps toujours plus restreint dans les grosses entreprises, permettent d’infliger à l’Homme contemporain une spirale implacable de chantage, de pressions et de relations de contrôle/obéissance profondément antidémocratiques, voire totalitaires, le tout pour l’intérêt à court terme bien soigné de quelques poignées d’actionnaires, dont la collusion avec le pouvoir politique actuellement en place est tout autant consternante que flagrante et décomplexée.
L’institution du travail substitue à toute individualité la culture d’une conscience personnelle libre et d’une connaissance de soi pour la transcender en une simple et vulgaire pièce de l’appareil productif servant à la vente. Une vulgaire marchandise.
Les livres scolaires veulent nous faire croire que la victoire de la démocratie sur la monarchie, il y a deux siècles de cela, fut une révolution des libertés, un changement planétaire radical. Mais ils occultent le fait que notre système économique actuel ait été érigé par les élites intellectuelles, mercantilistes, puis physiocrates de l’Ancien Régime qui, à l’époque, inventaient les stratagèmes et paradigmes économiques qui leur feraient gagner plus d’argent en un temps restreint. Le putsch de 1789 changea les têtes dirigeantes, mais pas la logique économique. Les valeurs, les normes, et les méthodes de contrôle social imposées aux sociétés civiles, perdurent selon les mêmes paradigmes économiques — le temps de travail fixe la valeur des choses, la rareté des biens détermine le niveau des prix — et produit un discours de légitimation de l’inégal accès aux ressources.
La financiarisation du capitalisme globalisé, un summum de totalitarisme
Au XIXe siècle, les dirigeants des entreprises existantes en Europe ou aux États-Unis devaient se plier aux normes instituées par les États : les règles de production, la durée du temps de travail, le montant des salaires, etc. Les entreprises avaient pour unique but de satisfaire au bien commun, à ce qu’on a défini comme étant l’intérêt général. La production issue du travail des ouvriers devait servir à l’amélioration des infrastructures nécessaires à la communication ou au développement des échanges. D’ailleurs, même Adam Smith, que l’on considère comme le pilier/pionnier écossais de la non-intervention de l’État dans l’économie, écrivait que le développement des infrastructures et des voies de communication devait rester dévolu aux entreprises étatiques. L’acquisition d’une part de l’entreprise par un « investisseur » privé était encore interdit.
Mais en 1868 fut signé aux États-Unis le 14e amendement à la Constitution. Celui-ci aurait eu pour objectif de concéder aux populations noires la citoyenneté au même titre que les Blancs. Les législateurs ont fait passer cette révision constitutionnelle pour un progrès au service de la lutte contre le racisme mais en réalité, cette date marque le début du pouvoir hégémonique des grandes entreprises. Car cet amendement leur donnait la personnalité juridique, de telle manière qu’elles pouvaient alors passer des contrats, se défendre en justice au même titre que n’importe quel citoyen particulier.
Comme toute entreprise pouvait passer des contrats, elles pouvaient aussi se racheter entre elles par le biais d’offres publiques d’achat, n’étaient plus soumises à la tutelle étatique, et pouvaient ainsi réaliser librement leurs bénéfices en organisant leur propre organisation de travail. Pire, elles pouvaient exproprier des terres en les rachetant aux gens pour y installer leurs bâtiments. Il a donc fallu consolider un environnement de travail, un vocabulaire, des techniques de marketing et générer de la productivité en temps restreint par tête, afin de conserver la compétitivité dans un univers de concurrence féroce devenue peu à peu oligopole commercial. Et comme tout ordre donné, tout objectif de production, toute commande se réalise à la va-vite pour satisfaire le client le plus rapidement possible, sinon « pour hier », les dirigeants se sont inspirés des économistes à succès de l’époque (Schumpeter, Taylor, Ford, etc) pour faciliter une division des tâches, remodeler l’emploi du temps de l’ouvrier, acheter sa condition d’esclave sans chaînes et étendre les sphères de puissance de l’État.
Avec la révolution industrielle toute naissante de la fin du XIXe siècle, alors que la condition économique et sociale de la classe ouvrière productrice s’aggravait, une catégorie de personnes estimait que les profits n’étaient pas suffisamment conséquents et s’est rendue compte qu’elle pouvait réaliser des bénéfices inouïs sans faire partie du processus de production de l’entreprise : les banques ont commencé lentement à acheter des parts dans le capital des entreprises et à en recevoir des dividendes importants sur le dos du travail d’autrui. Le XXe siècle est celui du développement de l’économie de crédit, de l’actionnariat et du système de prêts consentis autant aux particuliers qu’aux États. Ce qui devait officiellement servir les intérêts des gens à l’origine n’était qu’une perspective de vol organisé à grande échelle des individus.
Pourtant, avec toute l’évolution du travail apportée par les révolutions industrielles successives, le progrès technique aurait pu permettre de le simplifier, de mieux produire en générant moins d’efforts. Simplifier le travail pour vivre mieux et plus longtemps, en somme. Or, même avec sa mécanisation, dans un pays où la démographie se porte plutôt bien (la situation démographique de la France serait parmi l’une des meilleures d’Europe), l’homme continue de se tuer à l’usine, au chantier, au bureau, tout doucement, à petit feu en attendant une retraite qu’il n’aura, peu ou prou, presque pas. Un travailleur à 40 heures hebdomadaires sera peut-être moins productif et motivé que deux ou plus qui travaillent en association à 20 heures par semaine, mais cela coûte cher aux entreprises en terme de salaires et cotisations sociales à verser. Résultat, à même volume horaire, combiné avec des niveaux de salaires réels augmentant moins vite que les taux d’inflation, cela légitime le maintien d’un certain nombre d’actifs au chômage, et c’est profitable aux « gérants » d’une société comme la nôtre : un fort taux de chômage et le mythe d’un trou de la Sécurité sociale sont de bons instruments médiatiques de chantage, tandis qu’aucun salarié n’a le pouvoir de négociation sur ses conditions de travail, puisque l’entreprise peut s’en séparer pour en embaucher un autre.
Ce n’est hélas pas demain la veille que les salariés du secteur privé s’uniront pour renverser leur condition sociale attachée à une tutelle patronale ou hiérarchique aliénante, racheter leurs univers de travail et le réorganiser en association selon les besoins de chacun, non d’autrui ne faisant pas partie de la production, afin que la propriété des moyens de productions devienne collective, équitable et démocratique.
Dans la criminalité proactive chronique et récurrente de ce système, incompatible avec ce à quoi aspire 85% de la population du globe, espérons qu’un énorme procès de Nuremberg bis sera déféré d’urgence pour juger ces prédateurs génocidaires de la mondialisation financière lorsque l’empire du capitalisme sauvage aura sombré et que la majorité des peuples de cette planète pillée, spoliée, polluée, dévastée, chantera au pied des échafauds. Mais ne rêvons pas, ce jour ne sera pas meilleur pour autant. L’humain révolté, enragé, oublie son humanité et ne se rend même pas compte que sa vengeance est bien plus criminelle que celle de ses prédécesseurs, car elle soulage hélas bien des turpitudes.
Samuel Métairie
Article: Actuchomage.org