C’est le système qui est à blâmer. Pas le chômeur.
Aujourd’hui, Rudy Demotte a déclaré sur Twizz et répété sur son facebook: « dans le domaine du conditionnement de bâtiments à des fins énergétiques, il y a beaucoup d’argent à faire pour les ENTREPRENEURS, il y a du travail pour ceux qui en cherchent ! »
La phrase m’a fait bondir et réagir en ces termes : « Oui mais, Rudy Demotte, s’il y avait vraiment du travail pour les plus de 30 chômeurs par offre d’emploi, doit-on obliger un chômeur à travailler dans un secteur qui ne l’intéresse pas, où il ne sera donc pas heureux ni compétent? Et pour quel salaire? Pour un membre de parti marxiste, vous devenez vachement bleu, non?«
Parmi mes contradicteurs, certains m’ont objecté que oui, il faut accepter de travailler, quitte à ce que ça soit dans un boulot de merde, par solidarité.
Et c’est vrai que venant de moi, chômeuse (*) et tout le temps en train d’appeler les gens à plus de solidarité, refuser de travailler (n’importe où et à n’importe quel prix, je précise) et donc de cotiser, ça a quelque chose d’étonnant. Et pourtant je refuse. Je refuse de travailler sans être payée convenablement, je refuse de faire quelque chose que je n’aime pas faire (de toute façon, je le ferais mal), je refuse qu’on m’y oblige, même si du coup, je dépendrai volontairement de gens qui eux, n’ont pas (encore) refusé.
Et si je le refuse, c’est parce que je ne veux plus collaborer à un système qui me culpabilise en me disant que je ne suis pas solidaire alors que c’est ce système lui-même qui fait tout pour augmenter le nombre de ses chômeurs et le nombre de ses pauvres (y compris salariés). (Certains le subissent de plein fouet en ce moment précis, en découvrant que leurs déjà trop maigres allocations seront encore revues à la baisse.)
Je refuse de participer en m’abîmant dans des tâches que je n’aime pas pour « faire ma part » dans un système qui ne fait pas la sienne et qui me ment chaque jour en me disant qu’il n’a pas les moyens de me fournir un boulot décent et de faire en sorte que les laissés-pour-compte qu’elle produit soient assez armés pour trouver un boulot, même indécent.
Je comprends que certains veuillent travailler, à n’importe quel prix. Je comprends que certains y soient contraints. Mais tant que je ne le suis pas, je préfère 1000 fois râler, pester, aller à la rencontre de ces laissés-pour-compte pour qui on ne daigne même pas lâcher un centime de plus depuis des années et faire avec eux mon petit possible. Je me sens 1000 fois plus utile comme ça. Je fais parfois le boulot d’une assistante sociale, parfois celui d’une journaliste, toujours celui d’une militante. Je SUIS 1000 fois plus utile comme ça. D’autant plus que je suis heureuse. Disponible pour mon fils. Disponible pour mon activité complémentaire (oui oui, je noircis les cases). Disponible pour ceux pour qui on a oublié de créer un cadre de vie décent, un enseignement de qualité, un avenir radieux, un emploi et de la force. A qui on a oublié de donner l’envie de contribuer à une société, parce qu’elle serait juste. Disponible pour contribuer à un monde plus solidaire. (Maintenant, si on veut me payer pour ça un salaire qui me permette de nouer les deux bouts, je suis preneuse, bien sûr!)
Disponible pour gueuler sur ma société, sur ces dirigeants qui me mentent en me disant qu’ « Il y a du travail pour ceux qui en cherchent« , qui refusent de revoir leurs priorités et d’aller chercher l’argent là où il est en abondance. D’autant plus en abondance que là, personne ne reproche à quiconque de ne pas être solidaire.
Je suis solidaire. Je ne suis pas complice.
(*) Il me semble important de préciser ici que j’ai toujours travaillé :
– Comme ouvrière chez Quick
– Comme animatrice extrascolaires, avec des gens envoyés par l’ALE locale et pas du tout motivés
– Comme journaliste fausse indépendante le jour, le soir et le WE pour un fixe lamentable
– Comme assistante sociale ET journaliste, puisqu’un salaire d’assistante sociale ne me permettait pas de vivre
– Comme attachée de communication. Boulot bien payé mais dans un secteur à 1000 lieues de mes valeurs
– Comme indépendante complémentaire
Anne Löwenthal
Bravo Anne, ton écris est simplement magnifique. Tu as raison dans tout ce que tu es et personne n’a le droit de te dire quel boulot tu dois faire, surtout si celui que l’on te propose, ne
correspond pas à tes valeurs. J’ai pourtant travaillé en usine, (une époque formidable jusqu’à la faillite) je passais mon temps à faire AS auprès de mes collègues de chaine. J’ai un graduat en
sciences sociales et en économie (j’ai adoré étudié ça) mais j’ai refusé d’utiliser ce diplôme en travaillant dans une banque. De toute manière, ils ne m’auraient pas gardé ;). J’ai repris des
cours pour être proche des gens, j’ai soigné et aimé des personnes en fin de vie sans regrets. J’ai choisit ce qui me convenait le plus, pour ne pas un jour rentrer chez moi avec la rage au coeur
d’un travail qui ne m’aurait pas plu et là aussi sans regrets. Maintenant je suis TSE, mais je ne peux plus travailler (mon corps est cassé de partout) et je donne mon temps aux personnes qui
m’entourent, ainsi qu’aux plus démunis et/ou SDF.
Malheureusemnt bien vrai….35 ou 40 candidats en moyenne pour un poste vacant….Le patron peut bien se permettre de faire le difficile ou des manières….Et même ce permettre de « tâter la
marchandise » pour tester sa docilité et sa soumission…L’un d’entre m’a même violée…..