Le voleur de p’tites recettes

© PhotoPQR – Michael Esdourrubailh

Steven De Geynst est le voleur de petits cakes le plus populaire de Flandre, sinon du pays. Le 8 février dernier, la Cour d’appel de Gand a cassé le jugement qui l’avait condamné à six mois de prison avec sursis pour s’être discrètement servi… dans une poubelle.

Soulagements, rires et applaudissements. Il y a eu de l’ambiance, l’autre jour, à la Cour d’appel de Gand au moment où l’arrêt à l’encontre de Steven De Geynst a été prononcé. On jugeait devant près de 100 personnes, pour la deuxième fois, cet homme de 51 ans qui, en 2010, avait été surpris avec deux paquets de muffins qu’il avait récupérés dans le conteneur d’une grande surface à Rupelmonde (Flandre orientale). Ex-SDF, marqué par un parcours de vie chaotique, l’homme avait conclu un accord avec des membres du personnel de la grande surface pour récupérer de la nourriture périmée et jetée au rebut, mais encore consommable. De Geynst, qui n’est pas né de la dernière pluie en matière de cuisine, savait qu’une partie de la nourriture abandonnée par les grandes surfaces reste consommable sans risques pour la santé. Durant plusieurs années, il avait mis sur pied un réseau de distribution vers les squats et les soupes populaires de la région. Le hic, c’est que cet accord était devenu caduc à la suite de changements intervenus dans l’organisation des conteneurs du magasin. Et, surtout, qu’en dépit de tels arrangements, la loi est formelle: le parking d’une grande surface est une propriété privée.

C’est sur cette base, notamment, que le tribunal de Termonde avait condamné en première instance le quinquagénaire, surpris avec deux paquets de muffins dans la poche et intercepté par des policiers, à six mois de prison avec sursis. La sentence avait créé un grand émoi parmi le public sensibilisé à la précarité d’existence. Le mérite de cette affaire est d’avoir mis en lumière les quantités énormes de nourriture gaspillée dans nos sociétés d’opulence malgré l’existence des banques alimentaires. Ainsi, les mentions légales affichées sur certains types de biens sont floues et prêtent à quiproquo. A certaines conditions (le strict maintien de la chaîne du froid), les produits laitiers peuvent être consommés bien au-delà de la date limite, sans risque pour la santé. Le personnel des grandes surfaces, qui voit passer sous ses yeux ces marchandises encore consommables, est souvent menacé de licenciement s’il les récupère ou même s’il les oriente vers des nécessiteux…

La Cour d’appel a estimé que le flou subsistait quant à l’autorisation de récupération dont disposait – ou non – Steven De Geynst. Elle l’a donc acquitté. Mais elle maintient qu’il s’agissait bien d’un vol, estimant que “les déchets sont la propriété (du supermarché) jusqu’à ce qu’ils soient collectés par les éboueurs…”. Le débat est donc loin d’être clos. La Fédération Comeos, qui défend les intérêts de la distribution, a regretté ce “mauvais signal” en matière de sécurité alimentaire. De Geynst, lui, soulagé, s’est dit heureux et désireux, pour l’avenir, de négocier avec l’industrie une façon de faire sortir de l’illégalité le tri dans les conteneurs. A la sortie du palais de justice de Gand, Victoria Deluxe, une association socioculturelle bien connue à Gand, distribuait des potages chauds, gratuits et… confectionnés à partir de légumes récupérés dans les conteneurs de deux grandes enseignes de la ville. A Gand, on apprécie les pieds de nez.

// PHL

 

Article: enmarche.be

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