A quoi pensions-nous ?
Ne vous l’avait-on pas dit qu’on verrait ce qu’on allait voir une fois qu’on en aurait un, de gouvernement ? Hé bien, ça y est. On a vu.
On a vu le temps long de la formation d’un côté et le pas de charge de la transformation de l’autre. Ah ça, comment dire : c’est payer rubis sur l’ongle 540 jours de patience civique…
Je parle de ces affaires de pensions, bien sûr. Et de comment le pesage et l’emballage ont été plus vite encore qu’à Noël : « Il y a un peu moins, je vous le mets quand même ? ». C’était utile et nécessaire, a dit la ministre des Affaires sociales : sans cela, c’est le bien-être de tous qui serait affecté. On se méfie, on nous a déjà dit ça du temps des banques.
Et d’ailleurs, de façon générale, on se méfie. On se dit qu’on ne doit pas comprendre tout et que quelque chose nous échappe. On se dit, c’est curieux tout de même : il n’y a pas de travail, mais il faudra travailler plus. On se dit : on vous licencie fissa à 50 ans ou à tout le moins on ne vous engage pas, mais on devra pourtant faire de plus vieux os. C’est étrange.
Mais en même temps on pense que pour une société qui a choisi de sacrifier le métier au profit du boulot et qui, dans le travail, a préféré rémunérer beaucoup mieux ce qui lui était nuisible que ce qui lui était utile, cette question des pensions paraît presque, comment dire, déplacée.
Et on pense même aussi autre chose : que dans un monde qui n’a plus besoin de tout le monde, qui gouverne par trop-plein et qui surveille la bonde, on se dit que cette question des pensions paraît également finalement assez indécente.
C’est pourquoi, quand on a lu ce matin ce titre dans un journal, une phrase du ministre Van Quickenborne qui proclamait : « Nous disons à la population : au travail ! », on n’a plus rien compris du tout.
Que voulait-il donc dire au juste et à quoi exactement faisait-il allusion ? Voulait-il dire, par exemple, que c’était à nous de créer de l’emploi ? Ou voulait-il nous faire comprendre que nous ne travaillions pas assez ni suffisamment bien ? Ce n’était pas clair. La seule chose qu’on ait vraiment comprise, c’est qu’il ne parlait pas d’en créer, lui, du travail.
Et puis on a pensé, peut-être que ce n’est pas à nous qu’il s’adresse, en fait. Et qu’il s’agissait sans doute de donner, vous savez bien comme on dit : « un signal fort aux marchés ». On va bosser plus, les gars, vous pouvez relever les A. Alors, on s’est dit : c’est tout de même un curieux projet de société d’avoir pour horizon un A ou bien deux ou bien trois. Et qu’on n’était pas sûr non plus que ce soit vraiment mobilisateur. Allez belle soirée et puis aussi bonne chance.
Paul Hermant
La chronique de Paul Hermant sur lapremiere.be