Atterrés
On ne sait pas si « les économistes atterrés » participaient à la manifestation -qui vient de se terminer- contre l’austérité qui a déjà commencé. Mais on sait que les « économistes atterrés », c’est ainsi qu’ils se nomment eux-mêmes, sont français et viennent de rédiger un manifeste virulent.
Ils partirent à quatre, il n’y a pas un mois, et constituent désormais un groupe de plus de 600 signataires, tous ou presque des professionnels de la profession. C’est une sorte de première dans un milieu dont la parole publique est la plupart du temps sibylline, comme coupée du souci de la réception.
Qu’ils soient universitaires ou bancaires n’y change rien : il y a souvent trop de petits caractères sous les mots des économistes : on hésite à leur faire confiance – confiance, ce mot magique par quoi croissance et prospérité devaient revenir, nous a-t-on seriné depuis deux ans, depuis que les subprimes furent le 11 septembre des petits actionnaires dans un premier temps, des Etats dans un second, des entrepreneurs, des employés et des ouvriers dans un troisième, et de tout le monde actuellement.
On ne sait dans quel sens prendre ce mot « atterrés ». Dans le premier qui signifie « toucher terre » ou dans le second qui veut dire « renverser par terre » ? Mais qu’ils atterrent dans un sens ou bien dans l’autre, ces économistes ont en tout cas décidé d’atterrir. De revenir sur terre. De nous parler enfin.
Et de quoi sont-ils donc atterrés, ces économistes ?
De ce que l’on ait rien appris ni compris de la crise dévoilée en 2008 et que l’on laisse l’irrationalité de la finance imposer à la politique, qui pourtant l’avait sauvée de la banqueroute, des mesures qui la mènent, elle la politique, vers une asphyxie lente, une mort clinique, une euthanasie programmée.
L’austérité programmée partout – et qu’on l’appelle ici rigueur n’est jamais qu’une sorte de blague sémantique sympathique-, l’austérité donc et la réduction des dépenses publiques font partie de ces dix fausses évidences que dénoncent ces économistes dont le manifeste est très lisible et n’a pas été signé que par des altermondialistes, loin, très loin de là.
Dix fausses évidences qui devraient, ces jours-ci, parler aussi aux oreilles des Irlandais, gens actuellement dénotés et qui vont faire souffler sur nos lendemains le vent des côtes gaéliques quand nous venons de connaître celui des rivages helléniques. C’est dire si cette lecture est salutaire.
En regard de ce manifeste, je voudrais déposer une image. Celle qui illustre la campagne actuelle de l’ONG française « Action contre la faim ». Sur cette photo visible ici : des enfants africains dans leur village de cases. Sur le sable, avec un bâton, ils ont tracé quelque chose, trois lignes, comme un message dont ils voudraient qu’on le voie de loin ou de haut. Sur le sable donc, ils ont écrit : « S’il vous plaît, sauvez les banques« . Allez belle soirée et puis aussi bonne chance.
Paul Hermant
Article: RTBF.be