Juste une chanson… Pour encourager les marcheurs Toute chaude, toute fraîche, elle sort à l’instant.

La Sanction

(Gare au Chômeur !)

Chansonchôme wallonne de langue française – La Sanction – Marco Valdo M.I. – 2010

Parodie de la chanson « Le Gorille » – Georges Brassens – 1952

 

 

Oh, Oh, dit Lucien l’âne, tout frétillant de joie, j’entends dire que tu as fait une chansonchôme, une nouvelle chansonchôme. Il y a assez longtemps que tu n’en avais pas fait de ces chansons qui défendent les chômeurs, ces victimes de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres par tous les moyens et pour le misérable but d’accroître leur domination, leurs richesses et leurs privilèges. J’aime beaucoup les chansonchômes, ce sont des chansons populaires, car elles parlent d’un des vrais problèmes du peuple. Et tant mieux, si elles s’inspirent de grands poètes, si elles vont chercher leur forme auprès de gens de qualité… Mais, dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, est-ce encore une parodie et de qui et de quoi ?

 

Salut, Lucien l’âne mon ami… Tu vas être content, car ma chansonchôme est bien une parodie, elle est bien construite à partir d’une chanson fameuse et assez scandaleuse pour son époque. Elle a fait rire beaucoup, elle fait rire encore… Elle a fait naître des éructations de colère chez les pisse-vinaigre. L’originale (et elle l’était) est de Georges Brassens lui-même, Tonton Georges, et la chanson, c’est tout simplement « Le Gorille ». Souviens-toi, j’avais déjà fait « Le Contrôleur » sur la chanson « Le Fossoyeur » du même Tonton Georges.

 

Fameux, fameux ! Elle risque en effet d’être plaisante. Mais c’est vraiment de l’audace de s’attaquer à pareil morceau.

 

Oh, tu sais, Lucien l’âne mon ami, je ne suis pas le premier.. En Italie, par exemple, Fabrizio De André l’a traduite… C’est d’ailleurs lui qui m’a , en quelque sorte, ouvert la voie. Donc, dans notre Europe que le libéralisme (cette doctrine et cette pratique de voyous) nous vole un peu plus chaque jour, il y a actuellement (il y a toujours eu, d’ailleurs), un renforcement de la chasse aux chômeurs, la chasse aux pauvres, la chasse aux démunis, la chasse aux économiquement faibles. Au sortir de la dernière guerre (je veux dire la dernière sur le territoire de ce bout d’Europe, celle de 1936-1945 – je te rappelle qu’elle a commencé en Espagne en 1936), sous la nécessité de la reconstruction, sous la pression des armes et des exigences populaires, il y eut quelques avancées sociales. Et notamment, en Belgique; par exemple, l’instauration d’un système de protection sociale, d’un bouclier social contre les licenciements, contre le manque de revenu du travail… On créa ce qui fut appelé la sécurité sociale et on assura un salaire différé au travailleur qui voyait son emploi disparaître. C’est ce qu’on appelle l’indemnité ou l’allocation de chômage et plus simplement le chômage. Mais les riches et les patrons n’aiment pas que l’on puisse vivre sans être obligé de travailler – leur devise et leur idéal, c’est « Pas de travail, pas à manger ! » – au moins, pour les autres, pour les pauvres. Car les riches ont une autre devise : « Tout pour nous, rien pour les autres ! » Actuellement, ils cherchent à liquider ces allocations et en attendant, ils ont inventé un système aussi sadique qu’absurde : les chômeurs doivent chercher des emplois qui n’existent pas (les patrons ici annoncent 72.OOO emplois disponibles et il y a des centaines de milliers de chômeurs…), sous peine de sanctions. Et la sanction idéale, c’est l’exclusion du chômage… Plus d’allocation, plus de revenu… La réponse du patron à celui qui est au chômage, c’est : « Crève ! Arbeit Macht Frei ! »

 

Tu sais, nous les ânes, on n’a pas droit au chômage… Mais je suis heureux, Marco Valdo M.I., de te voir reprendre ainsi ton combat et le mien et celui de tous les pauvres du monde, de tous les sans-emplois, de tous les chômeurs. Et que raconte ta chanson ?

 

Simplement ceci… Un chômeur est exclu, on lui inflige une sanction… Celui qui fait çà, c’est le directeur du service de chômage, appelé l’Onem. Et les chômeurs n’aiment pas çà, alors là, pas du tout qu’on leur supprime tout revenu, qu’on les mette, leurs enfants, leur famille dans la misère. D’où, le « Gare au chômeur ! » Qui est le nécessaire pendant du « Gare au Gorille ! » de Tonton Georges. Et ce chômeur, comme le Gorille, va, tel l’ange de la Justice, sanctionner à son tour le directeur.

 

J’espère pour les directeurs du genre, dit Lucien l’âne, que les chômeurs ne vont jamais suivre cet exemple.

 

Qui sait ?, dit Marco Valdo M.I. Tout ce qu’on peut en dire, c’est que le Gorille de Brassens n’a jamais fait ce qui est dit dans la chanson.

 

Enfin, j’espère qu’elle est réussie et venant de toi, elle ne peut être que réussie. Dans tous les cas, une telle chanson, c’est aussi une manière de résistance (Ora e sempre : Resistenza !) et une façon de tisser, comme les Canuts, le linceul de ce vieux monde sadique et cacochyme.

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.

 

 

C’est dans les anciens grands bureaux

Que les sans-emplois du canton,

Contemplaient un immense tableau

Qui leur offrait des boulots, dit-on

Avec intérêt, ces chômeurs

Lorgnaient même des emplois précis

Qui convenaient à leur bonheur

Malheur, ils étaient déjà tous pris.

Gare au chômeur!

 

Tout à coup, la porte close

D’où se diffusent ces nouvelles

S’ouvre, on ne sait pourquoi, je suppose

Pour une annonce officielle.

Un chômeur venant de l’étage

Dit « C’est aujourd’hui que je le perds ! »

Il parlait de son chômage

Vous l’aviez deviné, j’espère

Gare au chômeur !

 

En sortant de ce service

Il criait éperdu : « Oh lala

C’est effarant, c’est un supplice

Je n’ai jamais connu l’emploi ! »

Dès que la foule des agences

Vit que le chômeur était K.O.

Au lieu de s’armer de patience

Elle courut sus aux bureaux !

Gare au chômeur!

 

 

Certains qui hier encore

Le regardaient d’un air de pitié

Soupirent et disent très fort

Qu’il l’avait bien mérité.

D’autant plus grand était leur fantasme

Que le chômeur est un luron

Qui procure aisément l’orgasme

Bien des femmes vous le diront !

Gare au chômeur !

 

Tout le monde se précipite

Vers les agences d’intérim

Sauf une vieille décrépite

Et le jeune gars en déprime

Voyant ces deux-là si moroses

Le directeur les sermonna

Du ton assuré de celui qui dispose

D’un si haut titre et d’un si bel emploi !

Gare au chômeur !

 

Bah, soupirait la vénérable

Qu’on veuille me faire travailler

Ce ne serait pas raisonnable

Il ne faut pas désespérer

Le jeune pensait, c’est terrible

Depuis deux ans que je suis là

C’est complètement impossible… »

On ne peut pas me faire çà !

Gare au chômeur !

 

Supposez que demain, chacun de vous sera

Comme un chômeur, obligé

De s’agiter, de chercher un emploi

Ou sur le champ être sanctionné. .

Qu’une obligation pareille

Un de ces quatre jours, m’échoie

C’est pas demain la veille

Que je ferai n’importe quoi !

Gare au chômeur !

 

Si par malheur, une situation

Au jour d’aujourd’hui, vaut son prix

On sait qu’en revanche les sanctions

Ne satisfont ni le chômeur, ni son esprit

Lors, au lieu d’opter pour l’oseille

Comme aurait fait n’importe qui

Le jeune saisit le directeur à l’oreille

Et l’entraîna dans le maquis

Gare au chômeur !

 

La suite serait délectable

Malheureusement, je ne peux

Pas la dire, et c’est regrettable

Ça nous aurait fait rire un peu

Car le jeune, vengeance suprême

Criait « Emploi ! », riait beaucoup

En secouant l’homme qui le jour-même

Lui avait fait ce mauvais coup.

Gare au chômeur !

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