Le Forem proxénète ?
Peut-être est-ce parce qu’elle porte le même prénom que ma fille. Peut-être.
Peut-être est-ce parce qu’elle enchante le groupe dont j’ai l’honneur d’être l’animateur.
Peut-être est-ce parce qu’elle a un sourire et des yeux de gamine pétillante, parce qu’elle prend toujours grand soin d’elle, parce qu’elle est serviable jusqu’au dévouement, jusqu’à l’excès, parce qu’elle est toujours attentive à ce qui se passe autour d’elle et prête à aider les autres sans retour. Peut-être.
Peut-être est-ce parce qu’elle a travaillé 28 ans dans une boîte merdique, l’Oréal, dont la patronne défraie la chronique, en étant accusée de ne pas faire face à ses responsabilités de solidarité, en tant qu’une des premières fortunes de France, et d’être avantagée par des responsables politiques.
Peut-être est-ce parce qu’elle a perdu une partie d’un de ses pieds lors d’un accident de travail en 1998 et que les assurances ont mis trois ans pour convenir d’une indemnisation royale. 1050 euros tous les ans.
Ça va pas mettre Bettencourt sur la paille.
Peut-être est-ce parce que la direction de l’Oréal a refusé de la réintégrer dans un emploi correspondant au handicap du à son accident de travail, et ce malgré l’avis du tribunal.
Peut-être est-ce parce que depuis elle a affronté deux cancers et une sourde dépression. Qu’elle s’est sentie inutile.
Bref. Jeanne est depuis au chômage. Une ‘chômeuse de longue durée’, comme on lit dans ‘La Meuse’, une ‘fainéante à remettre au travail’.
Jeanne m’a entre autres raconté deux trucs qui ont retenu mon attention.
Lors d’un des salons de l’emploi organisés par le Forem dans notre province, salons qui servent à mettre en rapport plusieurs centaines de demandeurs d’emploi avec quelques maigres offres de contrat aidés, et surtout aux exposants à avoir une vitrine qui plaise aux politiques de passage, un des exposants a répondu à Jeanne qui voulait postuler que ‘des vieilles tomates comme elle, on n’en veut plus’. Nous avons cherché, lors du salon suivant, à retrouver cet homme délicat, pour lui offrir une caisse de tomates, et peut-être lui en mettre une ou deux sur la tronche, mais il n’était plus présent.
La seconde, aujourd’hui, où Jeanne m ‘a raconté la situation suivante : elle trouve une annonce dans le vlan comme serveuse. Elle prend contact avec le numéro de téléphone portable indiqué.
« Bonjour Monsieur, je téléphone pour l’annonce que vous avez mis dans le Vlan dans les offres d’emploi. Est-ce pour servir en terrasse ou au bar, et quelles sont les conditions ? ».
« Mais Mme ce n’est pas ça du tout ! Il s’agit de serveuse bar en vitrine ».
Et elle, un peu naïve : « Et en quoi ça consiste ? ».
« Il faut s’exposer à la vitrine pour attirer le client, vous avez quel âge ? ».
« J’ai 53 ans ».
« Alors je vous mets dans la catégorie de la cinquantaine, mais je vous préviens que dans ce métier il faut accepter les clients propres comme les clients sales, ceux qui ont bonne ou mauvaise haleine… ».
«Ecoutez, Monsieur, je ne recherche pas du tout ce genre d’emploi, je ne pose pas ma candidature ».
« Est-ce que vous avez des problèmes d’argent ? ».
Elle : «Comme tout le monde. Je suis au chômage et j’habite avec mon fils, je touche 418 euros par mois ».
« Mme quand on a besoin d’argent, on accepte tout ».
« C’est hors de question, au revoir Monsieur ».
Deux jours après elle se rend au Forem et regarde les affiches d’offre d’emploi. Elle tombe sur une annonce identique à celle qu’elle a trouvé dans le journal. Le numéro de téléphone est le même.
Elle va donc immédiatement trouver la préposée pour lui dire que cette annonce est pour du travail en vitrine. La préposée met en doute ce que Jeanne avance et lui répond que ce n’est pas possible.
On lit dans la presse des responsables politiques, des responsables du service public, ONEM, Forem, qui nous bassinent sur les ‘métiers en pénurie’, des responsables de la FEB qui incriminent les chômeurs qui ne voudraient pas travailler.
Jeanne est au chômage depuis 2001 et n’a reçu aucune offre d’emploi du Forem depuis.
Heureusement son âge lui permet d’échapper à la chasse aux chômeurs. Pour l’instant en tout cas.
Alors moi il faut m’expliquer ce qui se passe. Parce que devant cette situation, qui est loin d’être un cas d’école, j’ai envie de poser des bombes.
Nous avons pu lire plusieurs articles dans la presse ces derniers jours où le personnel des administrations se plaint d’être devant une violence ‘accrue’ de la part des usagers des services publics. Sans justifier ces agissements, qui existent, je réponds que la violence est d’abord du côté de l’état, qui oublie ses missions, qui contrôle et sanctionne plutôt que d’aider, de guider.
Il est fait mention dans un de ces articles de 105 personnes qui ont perdu leur droit aux allocations en 2009. Je réponds que c’est une manière pour le moins malhonnête de présenter les choses. Ces 105 personnes ont été exclues sur base de l’article 80, qui a presque disparu. La communication de l’ONEm ne fait curieusement pas mention des 14.415 personnes exclues pour 4 mois ou définitivement en 2009 dans le cadre des contrôles de disponibilité décidés par nos représentants politiques.
Nous avons d’un côté des gens qui cherchent, désespérément, un emploi. De l’autre, des services publics qui ne sont plus au service du public.
Puis des bars qui embauchent.
Par Jeanne, Marie-Claude, Sylvain, Olivier et Vincent, avec l’aide de Co.
Et tout notre respect aux travailleurs/euses du sexe.