La chronique de Paul Hermant

02.06.10

Nous étions la semaine dernière dans la Marolle, îlot de résistance au cœur de la ville, nous sommes aujourd’hui à Liège, pays de perron et ville de cœur : on dirait, Pascal, que vous nous promenez dans des endroits où les libertés pavoisent, enfin où elles ont pavoisé, une histoire ancienne, quelque chose qui se réfugie désormais dans les livres.

 

On dirait que la mauvaise conduite, aujourd’hui, à Liège, est devenue une affaire gazière. Il y a, dans cette ville, quelque chose de souterrain, on y vit depuis quelques mois sous des alertes répétées, je n’ai pas compté, mais elles sont nombreuses, les rues barrées, les maisons évacuées et les fuites colmatées. On comprend alors qu’il y a une vie sous la ville, qui affleure. Le sous-sol a toujours été ici quelque chose d’important. On y a puisé sa richesse, aussi son social, surtout son progrès. On reste attentif à cela. Cette ville possède, Pascal, un musée de l’éclairage au gaz, on le sait trop peu.

Et donc, en voici une, d’histoire liégeoise de mauvaise conduite où l’on va comprendre, en ces temps rigoureux, que l’activation des chômeurs peut être aussi un sport de combat. Cela se passait en début mai dernier quand Olivier, c’est son prénom, il a 36 ans, se présente à une convocation de l’Onem. Un contrôle donc. En novlangue on dit aujourd’hui : une activation. Il y arrive muni de 15 kg de documents. Son dossier, sa défense. Car depuis quatre ans, Olivier tente de mettre sur pied une ASBL de réinsertion de chômeurs par la formation au maraîchage biologique. Deux emplois, en plus du sien, sont prévus. Douze stagiaires aussi, en formation. Ça avance plutôt bien. Il a obtenu récemment pour cela des subventions de la Région wallonne et du Fonds social européen. Mais pas assez vite cependant pour que les activités s’engagent et que les engagements s’activent. C’est ce qu’il explique à sa superviseuse : qu’il faut juste attendre un peu.

Sur quoi, la contrôleuse lui précise que tout cela ne l’intéresse pas beaucoup. Que ce qu’elle voudrait savoir, c’est à combien de petites annonces il a répondu depuis la dernière fois. Il réexplique : les emplois, les formations, les subventions, tout le bazar. Pas de recherches conventionnelles ? Ah, on le menace de sanctions. Là, il le reconnaît, il s’énerve. Sans grossièreté, dit-il. Mais un peu fort, la voix. Qui s’entend. Olivier aime, dit-il, gratter le décor du système. En clair, c’est un type énervant.

On vient. C’est un garde de sécurité. On le sort du bureau. Le traîne dans le couloir. Le bouscule. Et, à la porte, le coup de pied de l’âne, on veut dire un coup, un vrai, qui lui ouvre l’arcade sourcilière. C’est à cela que l’on comprend, Pascal, toute la différence qui existe entre un chômeur actif et un chômeur activé. Ça se voit comme un coup de poing dans l’œil. J’ai tenté, hier, tout l’après-midi, de joindre l’Onem de Liège, qu’au moins on puisse me dire que cette histoire n’est pas vraie, que ce n’était qu’invention d’un chômeur névrosé, il y en a tant.. Pas de chance, c’était toujours occupé. Ouf ! Pascal, au moins des gens qui sont occupés. Allez belle journée et puis aussi bonne chance pour forcer l’avenir…

 

Paul Hermant

 

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